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Babysitter - Joyce Carol Oates

26 Janvier 2024 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Desperate housewife. C'est le qualificatif que l'on a immédiatement envie d'accoler à Hannah, spécimen magnifique de la femme au foyer américaine, banlieue chic de Detroit, mari dans les affaires dont madame ignore presque tout, deux enfants bien peignés et une nounou-gouvernante-femme de ménage philippine. Beaucoup d'ennui surtout pour cette femme qui semble n'exister que par rapport aux autres, au centre d'une comédie sociale où tout est façade. Nous sommes en 1977, Detroit est agité par d'horribles faits divers, des enfants et adolescents sont enlevés, odieusement torturés et tués par un pervers que la presse surnomme Babysitter. La peur rôde mais chez Hannah elle se mêle au désir violent qu'elle ressent pour un inconnu croisé lors d'un dîner caritatif et qui, d'un frôlement de doigt sur son poignet a réveillé des sensations qu'elle croyait disparues à jamais. Voilà pourquoi on la trouve, au tout début de ce roman dans le couloir de l'hôtel qui mène à la chambre du mystérieux Y.K. Banale histoire d'adultère ? Oh que non... La romancière s'en sert pour nous offrir un savant portrait d'une Amérique au bord de la crise de nerf, vue depuis les quartiers résidentiels d'une élite blanche qui se pense préservée et à l'abri de la criminalité qui règne un peu plus loin. Et l'immersion est violente.

Joyce Carol Oates parvient à installer une atmosphère étouffante et une tension permanente. La façon dont elle décortique les sentiments et réactions d'Hannah est impressionnante mais également sans aucune pitié. La femme qu'elle nous donne à voir est dominée par une peur qui l'empêche de s'affirmer, totalement asservie à un schéma préétabli et minée par une relation au père que l'on devine traumatisante. Hannah n'est que façade, derrière tout est faiblesse, proie facile pour qui sait y faire. L'illusion de la sécurité ne tarde pas voler en éclats tant la frontière entre le bien et le mal est plus poreuse qu'on ne le croit. Et surtout le mal omniprésent. J'avoue que l'envie de mettre quelques claques à Hannah m'a traversé l'esprit, histoire de lui faire retrouver un peu de jugeote. Mais l'écrivaine a visiblement décidé de ne pas l'épargner. Rien à dire, il y a de la technique, les pages se tournent toutes seules grâce au suspense et à un poil de curiosité voyeuriste face aux forces qui se déchaînent. Je pense que j'aurai eu mon lot de maltraitances pour un moment. C'est d'une redoutable efficacité y compris dans le malaise que le fil narratif installe petit à petit sur une toile de fond terrifiante. Sur ce que cela dit de la société américaine de l'époque - mais a-t-elle changé ? - et des monstres invisibles qu'elle nourrit en son sein.

J'avoue je l'ai dévoré. C'était mon premier Joyce Carol Oates dont l'univers ne m'avait jamais attirée. Je l'ai dévoré mais je ne peux pas dire que je l'ai aimé, ni que cette lecture me convertisse à la "JCOmania". Il y a quelque part un trop-plein qui m'a agacée voire fatiguée. Mais disons que je ne serais pas contre une autre incursion dans l’œuvre de la dame à l'avenir. 

"Babysitter" - Joyce Carol Oates - Philippe Rey - 600 pages (traduit de l'anglais (EU) par Claude Seban)

 

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E
Merci chère Nicole, pour cette recension très intéressante ! Ce titre-là me semblait d'un abord redoutable... Et ta note me conforte dans ma réserve.<br /> Je ne donne pas dans la "JCOmania" mais j'avais beaucoup aimé Hudson River, qui fut mon premier livre d'elle. <br /> Et puis deux autres me semblent vraiment des chefs-d'œuvre : Blonde (magistrale biographie romancée de Marilyn Monroe), et Un livre de martys américains (autour de l'affrontement des pro-life et des pro-choice, pas manichéen et captivant,).<br /> J'avais moins aimé Les chutes <br /> Si je puis me permettre : ne reste pas sur ton impression mitigée et ta faim. Lance toi dans un autre titre de cette très grande autrice ! <br /> Bonnes découvertes !
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N
Merci pour ton message, j'ai très envie de lire un autre échantillon de l’œuvre de JCO, je ne sais pas encore lequel mais je finirai par me décider :-)
D
Alors moi, je n'ai toujours pas franchi le pas. Pas sûr toutefois que ton billet m'incite à découvrir la dame...
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N
C'est un univers particulier, et il y a un sacré métier mais il y a sans doute dans son œuvre des titres plus emblématiques... j'aimerais quand même en lire un pour voir 🙂
K
Certains de ses romans donnent cette impression (les plus longs, c'est facile à repérer). Enfin, je n'ai pas lu celui-ci, mais ça me dirait bien, et sinon, essaye des nouvelles, elle y excelle !
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K
je suis à peu près certaine que ce n'est pas dans un recueil que j'ai lu (Amours mortelles, La princesse-maïs et autres cauchemars, Cardiff, près de la mer).
N
J'ai vu qu'elle excelle dans les pavés en effet. Les nouvelles c'est une bonne idée, d'ailleurs ce roman-là était au départ une nouvelle (je ne sais pas dans quel recueil, j'aimerais voir ce que ça donnait en version courte)...
M
C'est drôle, je viens moi aussi de faire ma première lecture de cette autrice avec ce titre. J'ai trouvé ce portrait de l'Amérique des années 70, entre la banlieue chic et les autres, les Blancs et les Noirs, vraiment très juste. <br /> Je ne suis pas sûre que je poursuivrais pour autant avec d'autres livres. En revanche, j'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs...
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N
C'est très juste, très fort vraiment. De là à tous les lire il y a de la marge mais je pense qu'un autre échantillon serait intéressant. On me parle beaucoup de "Nous étions les Mulvanney" et "Les chutes"... à voir.
F
Je suis heureuse de lire que ce 1er Oates fut tout de même une belle lecture. A toi de voir vers lequel te tourner :-)
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N
Oui il y a le choix, c'est le moins que l'on puisse dire ;-)
K
Tu n'avais jamais lu JCO? J'avoue avoir aimé il y a un bout, depuis je trouve parfois cela un peu longuet, mais la dame sait y faire;
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N
Non... c'est dingue quand on voit tout ce qu'elle a produit. Contente de m'y être frottée et j'espère goûter un autre échantillon à l'occasion.