Pierre de Coubertin. L'homme qui n'inventa pas les Jeux Olympiques - Aymeric Mantoux
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Une passionnante enquête pour remettre un peu d'ordre dans les approximations et les fantasmes accumulés à force de récits qui finissent par créer une légende, quitte à laisser la vérité de côté.
Pour Aymeric Mantoux il n'est pas question de renier l'apport de Pierre de Coubertin qui parvint par sa ténacité et son engagement à faire renaître les Jeux Olympiques antiques, à les moderniser et à créer les structures qui permettent encore aujourd'hui de les organiser. Il y a d'ailleurs laissé sa santé et tout son argent. Par contre, il s'agit de regarder plus en détails ses actions, ses valeurs, ses objectifs mais aussi ses failles, ses renoncements, ou encore ses aveuglements. Pierre de Coubertin avait au départ un idéal, né de son observation des systèmes anglo-saxons, celui d'inclure le sport dans l'éducation des jeunes gens et d’œuvrer ainsi à une généralisation de la pratique sportive. Dans son récit, l'auteur retrace avec minutie ses influences, son engagement, et sa conviction que remettre en scène les Jeux Olympiques servirait ces valeurs et permettrait d'éloigner les esprits guerriers (encore marqués par 1870) par une période de trêve. On verra que ce ne sera pas le cas puisque les Jeux traverseront deux conflits mondiaux et seront au cours des décennies impactés par d'autres plus locaux mais tout aussi dramatiques.
Outre la genèse des Jeux et leur transformation au fil du temps, le livre met l'accent sur deux points. D'abord, l’ambiguïté de la personnalité de Coubertin, dont les valeurs ont souvent été perverties par ses accointances avec Hitler au moment des JO de 1936 et après (une lettre sans équivoque est reproduite dans le livre), ou encore sa misogynie décomplexée (ses propos sont assez incroyables) ; son talent de communicant a fait oublier qu'il avait presque tout emprunté, depuis l'idée originelle de relancer les Jeux jusqu'à sa célèbre maxime "L'important c'est de participer" que l'auteur rend aux différents César. Tout comme il raconte la genèse du fameux "Plus haut, plus vite, plus fort" et sa connotation religieuse qui échappe dans doute au commun des mortels. On comprend ainsi mieux au fil du récit pourquoi les demandes de panthéonisation n'ont reçu aucune suite, et pourquoi le nom de Coubertin est absent des communications autour de Paris 2024 alors qu'il était à l’œuvre 100 ans auparavant. Instructif.
Le deuxième point consiste à s'interroger sur ce que sont devenus les JO, bien éloignés des valeurs et objectifs initiaux. L'auteur montre très bien l'énorme machine, les intérêts devenus colossaux qui aboutissent à pervertir un système poreux aux collusions financières et aux influences politiques.
L'ensemble est absolument passionnant, j'ai appris énormément de détails avec ce récit très dense qui permet de recadrer à la fois l'événement et son rénovateur. Loin d'une légende lissée, polie au fil des ans, il s'agit de mettre clairement en évidence l'ambivalence d'un homme et de regarder en face les (sacré) taches qui parsèment son parcours. On a toujours besoin de nuances, entre le blanc et le noir.
"Pierre de Coubertin. L'homme qui n'inventa pas les Jeux Olympiques" - Aymeric Mantoux - Editions du Faubourg - 204 pages