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Chiens des Ozarks - Eli Cranor

16 Janvier 2025 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Polars

Ce n'est sans doute pas un hasard si le Sud des États-Unis produit autant d'auteurs versés dans le noir, genre irrigué par les stigmates d'un passé indélébile et une violence qui ne demande qu'à jaillir au moindre prétexte. Un vivier dont nous régale Sonatine Éditions au fil des ans. Le petit nouveau s'appelle Eli Cranor, Chiens des Ozarks est son deuxième roman et ça claque bien, fort et juste.

Le décor est rural, un Arkensas sur fond de montagnes et de petites villes enclavées, paumées, rongées par la désindustrialisation, le trafic de drogue et les relents d'un suprémacisme blanc bien enraciné. Si l'auteur fait d'une casse automobile l'un des lieux phare de son intrigue, ce n'est pas anodin. Décor saisissant, superbement décrit et utilisé, symbole du délitement d'une société en cours, comme abandonnée à la rouille. Pourtant, pour Jérémiah Fitzjurls, cette casse est un refuge, une forteresse qu'il a érigée pour protéger sa petite fille, Joanna des antécédents à risque de ses parents. Père en prison, mère en cavale. Dix-huit ans que Jérémiah, vétéran du Vietnam qui a vu le mal de trop près, veille sur Jo et on y est presque, le départ pour l'université se profile. Mais les feux du passé couvent toujours, faits de haines et de désirs de vengeance inassouvis, du côté de la famille Ledford - suprémacistes blancs, dealers et magouilleurs en tout genre. Le temps d'une soirée, le calme trompeur vole en éclats, la violence s'invite à nouveau et une course contre la montre s'enclenche.

Eli Cranor ne ménage pas ses personnages mais laisse à son lecteur tout loisir d'apprendre à les connaître jusqu'à lui donner envie de s'impliquer dans l'histoire. La tension est parfaitement dosée, l'immersion dans le paysage quasi cinématographique, le récit impossible à lâcher au gré de révélations habilement distillées. Le personnage de Jérémiah est passionnant, un concentré de souffrance et d'amour, hanté par son passé, confronté au pire au cours de sa vie et bien décidé à sortir sa petite fille de cette spirale destructrice. Prêt à tout pour contrer les forces à l’œuvre, sorte d'héritage maudit.

Quelques heures d'une course haletante contée avec brio, dont le souffle sauvage ébouriffe et l'aura sacrificielle marque durablement.

"Chiens des Ozarks" - Eli Cranor - Sonatine - 294 pages (traduit de l'anglais (EU) par Emmanuelle Heurtebize) 

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A
La littérature du sud des Etats Unis, c'est mon truc ! Je note ce titre bien noir, comme je peux aimer ...
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N
En effet, il me semble que dans le genre c'est plutôt du bon :-)
D
Je ne sais plus où - dans la presse, me semble-t-il -, j'ai lu un article qui rejoint complètement le tien et avait déjà suscité mon intérêt. Je répugne particulièrement en ce moment à me confronter littérairement à la violence, tant celle-ci nous environne. Mais en même temps, rien ne me rase plus que les feelgood books, ou même les livres que j'estime dénués de fond (non, je ne ravive ici aucune querelle !) <br /> Alors finalement, pourquoi pas, il semble vraiment bien (et il n'est pas trop long)...
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N
Non il n'est pas long et si comme moi tu es happée tout de suite tu ne sens pas les heures passer. La violence n'est pas gratuite mais vraiment liée au contexte et cela montre une réelle facette de l'Amérique, malheureusement. Dans le genre c'est vraiment "a good job" comme on dit là-bas :-)
K
Je dirais que ça me semble un peu "déjà lu" mais si l'écriture est à la hauteur, pourquoi pas ?
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N
J'avais cette crainte aussi après Cosby ou Joy mais jamais eu ce sentiment pendant ma lecture, j'ai été prise tout de suite et je n'ai pas boudé mon plaisir. Cela dit je lis peut-être moins de noir que toi...