Mousseline la Sérieuse - Sylvie Yvert
Celle que Marie-Antoinette appelait Mousseline la Sérieuse n'était autre que sa fille, devenue l'unique survivante parmi les membres de la famille royale enfermés au Temple en 1792. Si l'on connaît parfaitement ce qu'il est advenu de leurs parents, le sort des enfants est en revanche beaucoup plus opaque. Sylvie Yvert prête sa plume à cette fille oubliée, qui a pourtant vécu jusqu'à l'âge de 73 ans, connu plusieurs révolutions, l'emprisonnement, l'exil et représente un témoin extraordinaire des bouleversements qui ont conduit après maintes tentatives et contre-ordres à la République telle que nous la connaissons. Elle nous livre ainsi les Mémoires que Marie-Thérèse aurait pu décider de publier si elle n'avait pas demandé par testament que tous ses écrits soient détruits à sa mort...
Et c'est passionnant, malgré quelques longueurs. D'abord, l'auteur se place à hauteur d'enfant pour raconter l'horreur vécue au moment de la Révolution, les cris, les insultes, les brimades, les restrictions de liberté et pour finir, l'enfermement. On a l'impression d'avoir déjà tout entendu, vu et lu sur cette période mais certainement pas le désarroi d'enfants qui n'avaient commis pour seul crime que de représenter la continuité d'une monarchie que certains tenaient à éradiquer. Les conditions de détention des deux enfants apparaissent comme particulièrement inhumaines, en rapport avec la folie qui animait les esprits. Marie-Thérèse passera trois ans entre les murs du Temple, dont dix-huit mois sans sortie ni compagnie et sans que personne ne l'ait tenue au courant du sort de sa mère ni de son frère, le jeune Louis XVII mort de mauvais traitements et de défaut de soins alors qu'il développait les symptômes d'une maladie qui avait déjà tué des membres de sa famille. De quoi forger un caractère.
Libérée, Marie-Thérèse est accueillie en Autriche, se rapproche de Louis XVIII en exil en Russie, épouse le Duc d'Angoulême dont la famille est proche dans l'ordre de succession du trône de France et assiste, médusée à la prise de pouvoir de Napoléon 1er. Puis ce sera Londres, le retour en France après l'exil de Napoléon, le règne de Louis XVIII, sa mort, la régence... Attachée à la France malgré tout ainsi qu'à la monarchie, elle prend son mal en patience, tantôt fêtée tantôt rejetée au gré des bouleversements politiques, espérant toujours le rétablissement d'une monarchie. Lorsqu'elle meurt en 1851, la première élection au suffrage universel vient d'avoir lieu même si les termes en sont encore ambigus et qu'elle aboutit à l'élection d'un Prince-Président...
Marie-Thérèse est un personnage à la fois attachant de tant de pudeur, ne voyant dans Louis XVI et Marie-Antoinette que ses parents bien aimés, que d'autres qualifiaient de monstres, et décidée à ne pas blâmer le peuple de France pour les crimes de quelques-uns. C'est surtout un témoin privilégié des mouvements politiques qui ont conduit à tant de volte-face et de revirements, cette difficile marche vers la démocratie.
Il n'est jamais inutile de se replonger dans l'Histoire et de se souvenir des heures sombres, des difficultés et du sang versé. Ce livre, par le truchement de l'Histoire est surtout éminemment politique en ce qu'il nous rappelle le prix de la liberté.
"Mousseline la Sérieuse" - Sylvie Yvert - Editions Héloïse d'Ormesson - 336 pages