L'amie prodigieuse - Elena Ferrante
Enfin ! J'ai enfin pu voler quelques heures aux premiers romans pour piocher dans ma pile cette Amie prodigieuse dont on parle tant, offert qui plus est par ma vieille amie à moi pour Noël (4 mois, oui, je sais, c'est incroyable d'avoir attendu aussi longtemps). Elle m'avait promis une lecture addictive, de celles qui vous dissuadent de tenter de faire quoi que ce soit d'autre tant que vous n'êtes pas arrivé à la dernière ligne de la dernière page. Promesse tenue, et comment ! Scotchée, captée, rendue asociale pendant deux jours. Avec en plus la satisfaction de savoir que la suite m'attend déjà en librairie.
Ce livre a été souvent loué et c'est mérité, pour de multiples raisons. D'abord la facilité de l'auteure à plonger son lecteur dans un Naples de l'après-guerre plus vivant que vivant, au point de faire remonter des images de films italiens des années 50 et de donner l'impression d'entendre les voix des actrices fameuses, comme Sophia Lauren animant disputes et conversations dans les rues étroites de la ville. Ensuite, sa virtuosité à raconter les relations complexes de deux amies, dans l'enfance et l'adolescence, entre adoration et jalousies. Des relations influencées par leurs modes de vies, leur entourage, leur quartier pauvre, la présence permanente des réseaux mafieux ou encore l'histoire récente de l'Italie, notamment avant et pendant la seconde guerre mondiale. Une toile de fond dont le rôle est essentiel pour comprendre la destinée des deux amies car cette histoire est italienne, napolitaine avant tout.
Impossible de ne pas se laisser captiver par ce duo d'enfants puis de jeunes filles, si différentes et pourtant attirées l'une par l'autre. Elena et Lila. La blonde et la brune. La sage et la sauvageonne. Qui s'observent, s'admirent, se jalousent, se provoquent, s'ignorent pour mieux se retrouver. Grandissent à toute vitesse dans ces rues de Naples où l'on n'a pas le temps de chercher un sens à la vie parce qu'il faut faire face aux réalités, se défendre, se mettre à l'abri, se faire une situation. Chacune opte pour une stratégie différente, celle qui devrait la mener à gagner de l'argent. Du rêve d'enfant (écrire des livres pour devenir riche), à la réalité du terrain, cet argent qu'il faut gagner revêt des finalités différentes au fur et à mesure que Lila voit surgir des obstacles nombreux sur son parcours et que Elena tente de comprendre ses choix.
Le regard que porte Elena sur Lila est plein d'amour et d'envie mêlés avec cette impression que les actes de son amie, quels qu'ils soient, seront toujours plus intéressants que ses propres réussites. Au risque de vivre sa vie par provocation. Et en effet, le personnage de Lila est captivant, fort et fragile à la fois, empli d'une rage contenue et d'un désir fou de liberté, malgré le carcan de sa condition de fille dans une société éminemment patriarcale. Sa beauté est un piège, beaucoup plus qu'un atout tandis que son intelligence reste brimée par les contraintes sociétales.
L'amie prodigieuse fait partie de ces romans qui vous font tout oublier pour concentrer vos pensées sur le destin des personnages, de ceux qui vous transportent immédiatement dans un autre univers au point que vous y pensez nuit et jour, une fois le livre refermé. Pour moi c'est une superbe réussite qui n'a qu'un défaut : les tomes 3 et 4 ne sont pas encore traduits en français. Pour le moment, je n'ai qu'une envie, rejoindre Elena et Lila pour connaître la suite de leurs aventures. Vite, très vite.
"L'amie prodigieuse" - Elena Ferrante - Gallimard - 392 pages (traduit de l'italien par Elsa Damien)