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Les mains lâchées - Anaïs Llobet

20 Août 2016 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Les mains lâchées - Anaïs Llobet

La principale réussite de ce premier roman, c'est de ne pas être celui qu'on attend. On appréhende un certain voyeurisme, on craint les effets spectaculaires... on récolte un roman touchant, intelligent, une vision marquée d'une belle empathie. Et grâce à cela, on adhère, on est emporté dans le tourbillon de sensations qui assaillent l'héroïne, on comprend ses doutes, ses questionnements et l'on en ressort considérablement enrichi.

Si l'auteure, journaliste présente aux Philippines lorsque le typhon Haiyan a ravagé le pays s'est inspirée de son vécu, elle n'en a pas moins réussi à prendre le recul nécessaire pour bâtir un contenu romanesque très efficace. Son double littéraire s'appelle Madel, présentatrice sur Phil 24, une chaîne d'information locale, et soudainement prise au piège, comme des milliers de personnes lorsqu'une gigantesque vague emporte tout sur son passage. Autour d'elle des morts, mais aucune trace de son compagnon Jan, ni de l'enfant de la voisine, le petit Rodjun dont elle a lâché la main pendant le chaos. Au milieu de la désolation, Madel suit le mouvement, comme anesthésiée, sous le choc, jusqu'à ce que son patron la rappelle à sa condition de journaliste et l'exhorte à faire son travail malgré tout.

Accompagnée d'Irène, reporter de terrain aguerrie, sorte de baroudeuse caméra à l'épaule qui semble froide, blindée, indifférente aux souffrances qui l'entourent, Madel parcourt les îles et les zones dévastées, récolte la parole des survivants et des proches de disparus qui entretiennent l'espoir. Au fil de son récit et des images que les deux femmes rapportent, le désordre apparaît dans toute son immensité, les drames humains sont aussi multiples que le bilan des victimes qui gonfle chaque jour un peu plus. L'aide qui tarde à arriver, l'erreur dans l'avertissement aux habitants qui prévoyait un ouragan et non un tsunami, les hôpitaux de fortune, les ressources réduites à néant, les avis de recherche, les inscriptions au registre des décès...

Madel est déchirée entre ses sentiments personnels, son implication affective dans le drame (Jan, le petit garçon, ses voisins...) et son devoir de journaliste, celui de témoigner et de le faire en conscience et dans le respect des victimes. Elle est rescapée mais pas indemne. Il est fort possible qu'elle ne puisse plus jamais être la même après ça.

Je parlais d'empathie, et c'est certainement ce qui permet à l'auteure de camper de magnifiques personnages, des figures poignantes qui émergent du chaos : David le médecin, Jack le pompier et tous ces enfants qui malgré le drame continuent à s'inventer des mondes et des jeux. Pour que la vie l'emporte par-dessus tout.

Dans ce roman parfaitement mené, on perçoit de bout en bout l'état d'esprit de Madel et la confrontation de ses deux conditions, celle de femme et celle de journaliste, ce qui rend la lecture passionnante au fil des questions auxquelles elle nous renvoie. Quand l'émotion permet de s'interroger sur le monde, c'est la littérature qui y gagne à coup sûr.

"Les mains lâchées" - Anaïs Llobet - Plon - 158 pages

Les mains lâchées - Anaïs Llobet

Un livre qui inaugure le second volet de la sélection 2016 des "68 premières fois".

Déjà repéré et adoré par Benoît et Virginie.

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J
J'ai ete aussi tres touchee par ce roman tres bien maitrisé. Il merite sa place dans la selection...
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N
N'est ce pas ? En tout cas, tu as pris un peu d'avance...
L
Oui, voilà, c'est exactement ça, elle aurait pu sombrer dans le pathos, le voyeurisme, les larmes, mais il n'en est rien. Tout est à sa place, une juste place.
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N
On sent un énorme recul mais au lieu de nuire à l'émotion, il la rend plus forte parce que plus réfléchie.
J
Pas pour moi non plus !
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N
Aïe ! Mais où est passé mon légendaire pouvoir de conviction ? ;-)
K
Je ne sais pas... A lire le résumé, comme ça, ça ressemble à du déjà vu, en film...
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N
Eh bien justement non. Le contexte, les images, certainement. Mais le propos, ces allers-retours permanents entre la sensibilité de la femme et la conscience du journaliste, voilà ce qui fait l'intérêt du livre, loin d'un cinéma à grand spectacle. Mais on ne peut pas avoir envie de tout... ;-)
E
Les avis sont pour l'instant unanimes sur ce premier roman. Je vais suggérer l'achat du livre à ma bibliothèque, ils m'écoutent souvent.
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N
Excellente idée !
Z
Je ne le sens pas pour moi
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N
On ne peut pas tout lire. Mais parmi la cinquantaine de premiers romans qui me sont passés devant les yeux cet été, celui-ci a incontestablement retenu mon attention et suscité mon intérêt alors que je ne m'y attendais pas forcément.