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La partition - Diane Brasseur

7 Mai 2019 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Ce roman a un charme fou, qui tient beaucoup à son héroïne, la pétulante Koula et à l'écriture de Diane Brasseur qui infuse lentement une singulière sensualité à sa prose. Ce roman, c'est la rencontre du feu et de la glace, une histoire de louve, de volcan qui ne demande qu'à s'éveiller. Mais quelle idée aussi pour une jeune fille grecque, solaire, aimant la vie au grand air, la danse et la musique de tomber folle amoureuse d'un suisse ? A 16 ans, Koula épouse Paul Peter K, représentant en porcelaines de dix ans son aîné et quitte sa Grèce natale pour s'installer en Suisse, sans parler un mot d'allemand et sans réelle idée des réalités qui l'attendent. A commencer par l'ennui. Que la maternité vient amoindrir. A la naissance de Bruno K, Koula pense enfin avoir trouvé sa place. Mais, délaissée et trompée par son mari et malgré la naissance de Georgely, son deuxième fils, Koula dépérit et finit par envisager un retour en Grèce. Sa belle famille accepte de l'aider à une condition : n'emmener qu'un seul de ses fils avec elle.

La partition, donc. Qui signifie "séparation, partage. D'un pays notamment". Choix cruel, inhumain mais que Koula assumera toute sa vie, refusant de laisser la douleur ou le remord aggraver ses souffrances. Elle choisit celui qu'elle estime le plus fragile. L'aîné, né avec la syphilis grâce aux exploits de son père. Koula aura une deuxième vie elle aussi, un second mariage dont un troisième fils naîtra alors qu'elle était convaincue d'accueillir une fille cette fois. Le petit Alexakis vivra ses premières années dans les robes prévues, et tant pis. Le second mari de Koula est belge. Et c'est en Belgique qu'elle sera confrontée à la seconde guerre mondiale, conflit auquel Bruno K échappe grâce à sa maladie. Il peut alors se consacrer à son rêve, étudier la musique en espérant devenir un grand interprète, compositeur...

La partition, encore. Celle utilisée en musique, et qui est le quotidien de Bruno K, malgré ses renoncements, ses tentatives avortées. Elle est le lien également avec Alexakis, le petit frère qui aspire à imiter le grand et choisit le violon plutôt que le piano. D'ailleurs le roman ouvre en 1977 alors que les trois frères vont être réunis pour la première fois depuis des décennies : Bruno K et Georgely s'apprêtent à assister au concert donné par Alexakis à Genève. Séparés pendant tant d'années, familles décomposées et recomposées ailleurs, autrement.

La partition, toujours. Définition mathématique : "Partage d'un ensemble en parties non vides, disjointes deux à deux et dont la réunion reconstitue cet ensemble". Sauf que, le lecteur le sait dès les premières pages, cette réunion n'aura pas lieu.

Le récit, dominé par la figure solaire de Koula est entrecoupé d'extraits de la correspondance entre Bruno K et sa mère, illustrant ainsi le rapport passionnel, exclusif et possessif imposé par cette dernière, déterminée à préserver son fils à tout prix, lui qu'elle a choisi, le jour où elle a dû se déterminer. Et l'on mesure la contrainte qui pèse sur les épaules de ce fils "élu", tiraillé entre son amour pour sa mère, son désir de loyauté et ses envies de liberté... et d'amour, autre que maternel.

Un roman charnel, hypnotique, à l'atmosphère singulière, intrigante. J'en suis restée imprégnée un bon moment, prise dans le fil narratif, accrochée par la personnalité excessive de Koula et cette radiographie d'une fratrie pas vraiment maîtresse de son destin. Un joli moment.

"La partition" - Diane Brasseur - Allary Editions - 442 pages

 

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