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A sang perdu - Rae DelBianco

14 Août 2019 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Polars

Voilà typiquement ce qui peut arriver lorsque vous participez en tant que jurée à un prix de lecteurs : vous recevez un livre sur lequel vous ne vous seriez pas précipitée, vous jetez un œil sceptique à la quatrième de couverture - "western électrique", "cartels de drogue sanguinaires"... hum... -, vous grimacez ; mais vous vous êtes engagée alors. Alors, vous lisez. Au début vous vous forcez un peu mais vous vous trouvez prise par... un je ne sais quoi, une atmosphère, une tension, un rythme. Vous vous surprenez à avoir envie d'avancer. Vous êtes intriguée, et puis intéressée, et puis sacrément épatée. Et voilà. Vous venez de lire un truc qui n'est pas du tout votre tasse de thé - il est d'ailleurs peu probable que vous cherchiez à réitérer l'expérience - et de trouver ça sacrément bien balancé.

Tout commence par une scène terriblement cinématographique, dans la nuit noire. Le calme et l'isolement dans lesquels vivent Wyatt et sa sœur Lucy sont brutalement troublés par l'intrusion d'une jeune femme armée jusqu'aux dents qui abat sans broncher le troupeau du ranch familial. Qui est-elle ? Que cherche-t-elle ? Fou de douleur et de rage, Wyatt se lance à sa poursuite dans le but de récupérer les quelques milliers de dollars que lui auraient rapporté la vente des bêtes et dont dépendent leur survie. Le début d'une course poursuite sanglante et pleine de surprises dans des zones arides et désertes de l'Utah, des paysages à couper le souffle.

Le moins que l’on puisse dire c’est que Rae DelBianco sait installer une ambiance, planter un décor. On sent la poussière, la chaleur, la rudesse du désert. Façon western revisité par un Tarentino en grande forme, rapport à la dose d’hémoglobine. La violence est ultra-présente et pourtant, jamais gratuite. Derrière elle affleure un portrait de l’Amérique sauvage, loin des grandes villes policées (quoi que…) où règne encore la loi du plus fort sous l’influence de cartels et autres hors la loi. Ici, on cherche à survivre et pour cela, on n’hésite pas à donner la mort. De cette épopée sauvage émergent deux figures, l’une féminine, dont on ne connaîtra pas le nom, rompue aux rapports de force et passée maîtresse dans l’art de tuer. L’autre, Wyatt, plongé malgré lui dans un engrenage de violence qui va l’obliger à piocher au fond de lui des ressources insoupçonnées. Au centre, la question de la légitimité à tuer. A l’horizon, le point de bascule. L’instant qui vous empêche définitivement de revenir en arrière. Si le roman démarre lentement, le crescendo attache irrémédiablement le lecteur aux pas de Wyatt qui porte en lui le questionnement universel de l’homme qui ferraille pour ne pas perdre sa part d’humanité. 

Rae DelBianco est une toute jeune femme au visage d'ange, A sang perdu est son premier roman et tout ceci est très très impressionnant dans sa façon de mêler classique et modernité pour nous parler de l'Amérique. Puissant.

"A sang perdu" - Rae DelBianco - Seuil - 330 pages (traduit de l'anglais par Théophile Sersiron)

 

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L
Très bon article, merci pour ce retour très frais ! :)
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N
Avec plaisir !
D
Sans doute trop violent pour moi. Mais cela a neanmoins l'air diablement efficace et bien mené.
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D
Alors justement, impossible pour moi de regarder un Tarantino... J'ai vu le debut de deux de ses films et n'ai jamais réitéré...
N
Tu sais, ça m'a fait penser à Tarentino, pas dans l'histoire mais le principe : je me souviens être restée scotchée à l'écran devant Kill Bill (pareil, j'étais invitée, je n'aurais pas été sinon...) alors que sur le papier ce n'était pas du tout pour moi.
M
Un roman typiquement américain où les armes servent à aplanir les conflits ! Pas sûre d’aimer cette littérature mais qui sait, peut-être que ce sera une belle surprise comme pour toi.
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N
Effectivement, je n'aurais pas misé mon salaire dessus mais... la preuve que le talent, l'écriture peuvent venir à bout des a priori :-)
K
Oh mais c'est tout à fait un roman pour moi !
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N
Je l'espère en tout cas :-)