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Buvard - Julia Kerninon

13 Mai 2014 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans, #Coups de coeur

Buvard - Julia Kerninon

Cela faisait quelques mois qu'un livre ne m'avait pas happée à ce point. Touchée même. C'est un premier roman et ça parle d'écriture et de vie. A travers la rencontre de deux cabossés bien cachés sous les carapaces qu'ils se sont eux même forgées avec soin, Julia Kerninon part à la découverte de ce qui forge un écrivain. Et c'est magnifique.

Lou est un étudiant de 24 ans, récemment subjugué par l’œuvre de Caroline N. Spacek, écrivaine précoce qui, à l'aube de ses 40 ans vit recluse dans la campagne anglaise dans une propriété entourée de barbelés. Les romans et nouvelles de Caroline N. Spacek ont défrayé la chronique, tant par leur style que par la violence qui s'en dégageait. Contre toute attente, elle a accepté de recevoir Lou et ce qui ne devait être qu'un entretien se transforme en séjour de plusieurs semaines. Caroline se met à parler, Lou enregistre et écoute. Pourquoi lui ? Il semble que ces deux là se reconnaissent en quelque sorte, disons qu'ils ont en commun quelques lourdes casseroles accrochées à leurs enfances respectives, de ces environnements familiaux capables de causer de sacrés dégâts.

Au fil du récit de la vie de Caroline, Lou découvre la vérité de l'écrivain, comprend comment elle s'est construite et où son œuvre prend sa source. Caroline est un écrivain, elle sait raconter les histoires, elle raconte la sienne, ses rencontres, les rapports compliqués avec les hommes qui ont traversé sa vie.

"Il n'en pouvait plus de me voir écrire toute la journée, il me rapportait des robes et du maquillage, il les déposait devant moi comme on attire les bêtes sauvages avec des fruits et du miel. Il aurait fait de moi une femme si je l'avais laissé faire, mais j'étais un écrivain, et on ne me pliait pas avec de l'organza."

Elle se livre entièrement pour la première fois. Une matière qui aboutira à une douloureuse révélation et donnera à Lou celle de son premier livre.

Ca marche parce que les deux personnages sont également attachants. Caroline écrit pour survivre, puis par amour et de nouveau pour survivre à sa culpabilité. Lou est en convalescence, il a trouvé auprès de son amant un certain équilibre que l'on sent encore fragile, ces quelques semaines avec Caroline vont finir de le faire grandir. Leur confrontation n'est pas de tout repos, même parfois violente. Caroline souffre d'avoir à revivre certains événements tandis que Lou s'interroge à juste titre sur la personne au delà de l'écrivain "Ses livres étaient bons, pas de doute là-dessus, mais est-ce que ça pouvait suffire à en faire une bonne personne ou est-ce qu'elle n'était qu'une imposture ?"

Tout ceci est servi par une plume fluide et de très belles pages sur l'écriture et la création. Je l'ai lu d'une traite, captivée et de plus en plus émue au fil du récit, jusqu'à la révélation finale. C'est un premier roman et c'est formidable.

"buvard" - Julia Kerninon - la brune au rouergue - 200 pages

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K
J'avais à l'époque beaucoup aimé ce livre moi aussi. Il faisait partie de la sélection du Prix Cezam 2015. Je me souviens d'un livre où se joue un flirt entre ce qui est léger -une apparence, une réflexion innocente - et ce qui se cache, enfoui au plus profond, -une douleur. Et bien sûr comme vous le dîtes si bien, on y trouve une belle réflexion sur cet accouchement de soi-même qu'est l'écriture.
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N
Un très bon premier roman qui m'a incitée à suivre l'auteure depuis... avec Le dernier amour d'Attila Kiss, son très joli deuxième roman et son émouvant récit autobiographique Une activité respectable sur la façon dont la littérature irrigue sa vie. Merci pour votre commentaire qui me remet ce souvenir de lecture en mémoire :-)