Vongozero - Yana Vagner
Dans la lignée d'un "Ravage" de Barjavel ou de "La Route" de McCarthy, Yana Vagner, jeune auteure russe confronte les personnages de "Vongozero" avec une situation extrême, de celles qui font se révéler les personnalités les plus enfouies et réveillent les instincts les plus primaires. Avec finesse, elle évite l'écueil de la psychologie de bas étage en choisissant de dépeindre des femmes et des hommes absolument normaux, ce qui facilite grandement le processus d'identification.
Anna vit avec Sergueï depuis trois ans dans une belle maison tout en bois et baies vitrées à proximité de Moscou. Une vie classique de famille recomposée avec son fils adolescent, Micha tandis que le jeune garçon de Sergueï vit en ville avec sa mère, Irina. Lorsque Moscou est mise en quarantaine pour tenter de stopper la propagation d'un virus inconnu et mortel, il est déjà trop tard. Anna apprend, impuissante, la mort de sa mère restée bloquée en ville tandis que les chaînes de télévision délivrent des nouvelles des plus alarmantes. Dans le monde entier, c'est le chaos, les principales villes sont fermées, aucun espoir de vaccin ne permet de d'espérer une issue positive avant bien longtemps. Anna et Sergueï sont brutalement sortis de leur torpeur par l'arrivée de Boris, le père de Sergueï qui oblige toute la famille à passer à l'action. Alors que les médias s'éteignent les uns après les autres et que les villes meurent, la crainte de voir déferler bientôt des vagues de fuyards, malades ou pillards oblige la famille à décider de partir se réfugier dans le nord, à la frontière avec la Finlande, sur une île située au milieu du lac Vongozero.
Pas facile de laisser sa vie derrière soi. Anna s'occupe l'esprit avec les préparatifs du voyage - trouver de la nourriture et des réserves de carburant pour les centaines de kilomètres à parcourir - évitant de penser au cadavre abandonné de sa mère, aux voisins moyennement appréciés qui partent avec eux et surtout à Irina et Anton que Sergueï est parvenu à extirper de Moscou pour les embarquer avec eux. Sur la route, le danger est constant, l'hiver rend les conditions de circulation difficiles, la promiscuité est une souffrance, une panne d'essence serait synonyme de mort, le convoi avance dans l'inconnu.
La force du roman c'est l'empathie que provoque l'héroïne, Anna, dont l'état d'esprit varie au rythme du voyage et des dangers sans jamais perdre de vue son statut d'être humain. L'auteure reste très soft sur le contexte, on devine l'horreur sans qu'elle ait besoin d'en écrire la moindre description ; elle s'intéresse en priorité à la psychologie de ses personnages qui s'appliquent à sauver leurs vies sans trop renier ce qu'ils sont malgré les dangers, l'absence de repères, les provocations et la tentation de laisser l'instinct gouverner la raison.
J'avoue que, compte tenu du thème, je n'aurais certainement pas lu ce livre s'il n'avait pas fait partie de la sélection du Prix des lectrices de ELLE ; je dois reconnaître que sa lecture a été agréable, plutôt une bonne surprise grâce à la finesse de l'auteure et à son art certain de la narration. A découvrir ne serait-ce que pour se demander : et moi, quel serait mon comportement dans pareilles circonstances ?
"Vongozero" - Yana Vagner - Mirobole éditions - 470 pages (traduit du russe par Raphaëlle Pache)
Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de ELLE 2015 (sélection de février)
Grand Prix des Lectrices de ELLE - Les incontournables de février - policier
3/ Pour la catégorie policier : Vongozero, de Yana Vagner (Ed. Mirobole) Vongozero arrive en tête de sa catégorie avec 87% des notes entre 12 et 20, et 67% entre 15 et 20. " Un premier roman tr...
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