Ces romans que tout le monde encense... et qui me laissent de marbre.
Malgré mes nombreuses années de découvertes littéraires, malgré les millions d'avis de lecteurs et de critiques journalistiques ingurgités, malgré la petite voix de la raison qui me répète que nous n'avons pas tous les mêmes goûts, que parfois c'est une question de moment... malgré tout ceci, ne pas adhérer à un roman que nombre de mes contacts encensent - et plus particulièrement des lecteurs qui m'inspirent, voire des auteurs que j'admire et adore - continue à me déstabiliser et à m'interroger. Car c'est la preuve de la fragilité du conseil en matière de littérature. Un conseil qui touche juste est en fait le résultat d'un incroyable concours de circonstances. On peut toujours s'inspirer des retours de lecture des autres, de l'avis d'un libraire, d'une quatrième de couverture. Ou s'en remettre à son instinct. Son envie. La rencontre est périlleuse, sur un fil. La lecture de l'un n'est pas celle de l'autre. C'est pourquoi, lorsque suite à un avis réservé ou négatif de ma part quelqu'un m'affirme qu'il ne lira pas le livre en question, à moins de l'avoir trouvé vraiment mauvais j'ai presque envie de le défendre auprès de mon interlocuteur, consciente que sa lecture pourrait être très différente. A contrario, un mauvais retour sur un livre que j'ai adoré me donnerait presque envie de pleurer. Chacun met de lui dans sa lecture et c'est ce qui la rend si vivante et chargée en émotions. Alors voici ce qui m'est arrivé avec ces deux livres de la rentrée littéraire, sélectionnés pour de nombreux prix, encensés par la critique, lestés de coups de cœur de lecteurs ...
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Prenons d'abord Saturne de Sarah Chiche. Honnêtement, je ne l'aurais certainement pas lu s'il ne m'était arrivé dans une sélection de romans à évaluer pour un jury littéraire. Mais, intriguée par les nombreux éloge reçus par le précédent ouvrage de l'auteure, Les enténébrés, je me suis lancée avec curiosité et envie. Et la première partie m'a enthousiasmée. J'y ai trouvé un souffle, un ton, une langue qui m'ont captivée. Scotchée à cette histoire d'amour fou, à la violence des sentiments, à cette quête sur la perte et l'absence. Tant que l'auteure maintenait une distance fictionnelle et que j'avais bien l'impression de lire un roman, j'ai adoré. Et puis tout a basculé. Le dessein de l'auteure est apparu en gros, en trop gros. Tout s'est concentré dans une spirale autocentrée, ressassant le mal-être et donnant l'impression d'assister à une psychanalyse en direct. Et là, elle m'a perdue car cela représente tout ce que je fuis en littérature. J'ai même fini le livre passablement énervée avec l'impression d'avoir été flouée. Bref, je me tiendrai à distance désormais, preuve tout de même que mon instinct ne m'avait pas trompée.
"Saturne" - Sarah Chiche - Seuil - 206 pages
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Venons-en à Thésée, sa vie nouvelle à présent. Finaliste du Goncourt, bardé de critiques gorgées de superlatifs amoureux, et un pitch qui a priori compte quelques arguments pour me plaire. J'achète, donc. Pour une fois me dis-je, j'aurai peut-être lu le Goncourt avant sa proclamation... C'est alors qu'a commencé mon calvaire. L'histoire de Thésée est celle d'un homme qui décide de changer de ville et même de pays afin de laisser derrière lui les drames humains traversés par sa famille (suicide de son frère, mort de ses parents). Il embarque ses enfants, s'installe à Berlin mais trimballe tout de même quelques cartons d'archives hérités de ses aïeux. C'est dans ces documents que vont se dévoiler les drames qui hantent sa famille depuis des générations et dans lesquels il trouvera l'explication des douleurs qui colonisent son corps sans raison physiologique. Le lecteur est donc entrainé dans une longue spirale de questionnements et de lamentations, brassant finalement assez peu d'éléments mais les répétant inlassablement. Et c'est long. Très long. Sous couvert de démonstration autour de l'épigénétique, il faut tout de même s'infliger un sacré ressassement. Qui est aussi un drôle de règlement de compte de l'auteur vis à vis de ses parents, que j'ai trouvé assez malsain dans sa forme à moitié cachée puisque cette histoire est bien la sienne et celle de sa famille. Bref, ce livre m'a non seulement ennuyée mais laissé un sentiment d’ambiguïté gênant quant aux intentions de l'auteur. Pour un flop, c'est un vrai flop.
"Thésée, sa vie nouvelle" - Camille de Toledo - Verdier - 256 pages
Il n'est pas toujours facile d'aller à contre-courant, d'avouer que l'on s'est prodigieusement ennuyé en lisant un soi-disant "chef d’œuvre" ; je ne sais pas si vous avez remarqué mais lorsqu'une personne s'y risque, alors d'autres s'autorisent enfin à dire "moi aussi". Oui, la rencontre entre un livre et un lecteur est décidément une alchimie aussi complexe que subtile. C'est ce qui fait tout son sel.