Accabadora - Michela Murgia
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""Fillus de anima" C'est ainsi qu'on appelle les enfants doublement engendrés, de la pauvreté d'une femme et de la stérilité d'une autre. De ce second accouchement était née Maria Listru, fruit tardif de l'âme de Bonaria Urrai".
Il suffit de cet incipit pour être transporté en Sardaigne, dans les ruelles étroites et sombres d'un village au cœur de la campagne. Quelques lignes encore pour baigner dans cette atmosphère singulière et vite envoutante, se glisser dans les pas des femmes aux jupons noirs et aux grands châles, écouter les messes basses sur les perrons des maisons et savourer les silences. A 6 ans, Maria Listru est la quatrième fille d'Anna Teresa, arrivée comme une mauvaise surprise alors que ses trois sœurs étaient déjà adolescentes et devenue presque un fardeau à la mort de son père. Alors la proposition d'adoption de Bonaria Urrai tombe parfaitement bien. Cette coutume qui la transforme en "fille d'âme" de Bonaria sans la couper de ses liens avec sa famille d'origine offre à Maria l'opportunité de découvrir qu'elle peut être l'objet d'un intérêt sincère, peut-être même de quelque chose qui ressemble à de l'affection. Mais Bonaria a ses mystères et ses zones d'ombre, comme cette silhouette qui parfois se faufile à la nuit tombée dans les ruelles, pour se rendre au chevet de mourants. Telle l'accabadora, la "dernière mère". Il y a des choses qui se savent mais ne se disent pas, des signes qui intriguent Maria sans qu'elle ne cherche à en savoir plus, jusqu'au jour où elle est confrontée à la réalité. Véritable cas de conscience pour la jeune femme pleine de vie qu'elle est devenue et qui voit toutes ses croyances voler en éclat...
Publié en 2010, ce roman offre un voyage captivant dans la Sardaigne des années 50 et 60, tout en clair-obscur mais également une réflexion sur un sujet on ne peut plus d'actualité, celui de la fin de vie et de son accompagnement. Le décalage temporel et la forme littéraire qui emprunte à l'art de la fable et n'hésite pas à explorer coutumes et légendes contribuent à la force du propos. Dans l'esprit de Maria s'affrontent le bien et le mal, autour d'une question universelle qui ne peut que susciter l'identification du lecteur. J'ai aimé ce roman autant pour son atmosphère, l'écriture charnelle qui restitue si bien les ambiances que pour la finesse avec laquelle l'auteure tresse son intrigue autour de ces douloureuses interrogations et trouve de l'écho en chaque lecteur. Je comprends pourquoi ce texte a été récompensé par le Prix Page des Libraires en 2011.
"Accabadora" - Michela Murgia - Points (Seuil) - 184 pages
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Encore une lecture dans le cadre du mois italien (voir le groupe Le mois italien/Il viaggio sur Facebook) dont l'idée est de parcourir les différentes régions du pays. Après Turin et Florence cette étape en Sardaigne est ma troisième contribution.