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Les envolés - Etienne Kern

23 Novembre 2021 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

"L'expérience du vertige n'est pas la peur de tomber mais le désir de sauter."

Dans un livre, tout tient parfois en quelques mots. Ceux-ci arrivent à peu près au tiers du chemin, et m'arrêtent soudain dans mon élan. Me frappent par leur justesse, la force du pas de côté qu'ils m'obligent à faire. Mais surtout par le nouvel éclairage qu'ils apportent au texte que je suis en train de lire. Je réalise que ce roman est multiple, que son sujet n'est peut-être qu'un prétexte pour explorer d'autres possibles. Impression confirmée au fil des pages où les vertiges de toutes tailles et de tous horizons se donnent rendez-vous, enjambent les époques pour se rejoindre. 

L'auteur fait revivre Frantz Reichelt dont l'existence s'est achevée le 4 février 1912 sous l’œil d'une caméra venue immortaliser son saut depuis le premier étage de la Tour Eiffel. Le saut a duré 4 secondes, le costume-parachute que ce jeune tailleur de 33 ans voulait tester lui-même a à peine freiné la chute du corps. Ce jour-là, personne ne l'a arrêté. Personne n'a pensé à installer un réceptacle pour amortir un éventuel choc. Près d'un siècle plus tard, le spectacle de sa chute est accessible à tous. Sous la plume d'Etienne Kern, cet homme s'incarne avec une sensibilité qui suffit à toucher au cœur et prend une dimension qui dépasse sa propre vie. Il devient le symbole de tous les rêveurs, les inventeurs, ceux qui pensent simplement que l'on peut changer le monde en bas de chez soi. Sous les yeux de l'auteur qui a découvert un jour la vidéo de cet événement tragique, l'absurde le dispute au drame. Mais c'est la fascination qui domine. Peut-être pense-t-il immédiatement à cette expérience du vertige ? Ou bien fait-il déjà le lien avec d'autres chutes ? C'est tout l'objet du tissage de ce roman où viennent s'arrimer à la trame les fils d'autres histoires, d'autres sauts dans le vide. Plus proches. Plus intimes. Plus douloureux.

Dans un livre, tout tient parfois en quelques mots. Il n'y a pas un mot de trop dans Les envolés, l'ensemble est une merveille de précision, de sensibilité et de profondeur. De la belle ouvrage à la hauteur des talents d'aiguille de Frantz Reichelt. De ce parfait équilibre surgit pourtant une phrase que l'auteur prend soin de mettre deux fois devant nos yeux. Deux fois ces quelques mots qui contiennent l'essence du livre : "Les gens que nous aimons, nous ne pouvons rien pour eux".

"Les envolés" - Etienne Kern - Gallimard - 160 pages 

 

 

 

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K
Tu donnes envie de découvrir ce roman... j'aime beaucoup ce que tu en dis !
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N
Un joli bouche à oreilles lors de sa parution et vraiment je n'ai pas été déçue. J'espère que tu auras l'occasion de le lire.
K
Et bien je suis obligée de noter ce roman. Et cette phrase qui résonne drôlement en moi...
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N
Je crois que cette phrase peut trouver un écho en chaque lecteur... ce qui rend ce livre si remarquable.