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Sugar street - Jonathan Dee

16 Février 2023 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Ça commence par une cavale, un homme file par les routes secondaires, évite les caméras et le traçage électronique quitte à dormir dans sa voiture. On ne connaitra pas son nom, et pour ceux qui le demandent il invente un patronyme directement tiré de la culture littéraire ou musicale. Sous le siège passager de sa voiture, près de 170 000 dollars. Braquage ? Escroquerie ? Cette voiture qui peut le faire repérer il va s'en débarrasser avant de choisir l'endroit où il pense pouvoir se rendre invisible à ceux qui pourraient tenter de le retrouver. Plus de téléphone, ni GPS, encore moins d'ordinateur. Si l'on veut s'extraire du monde il faut d'abord couper le numérique. Puis se noyer dans l'anonymat d'une grande ville, trouver une logeuse peu regardante tant que l'argent est là. Notre homme atterrit ainsi dans Sugar street et une chambre louée à une certaine Autumn, le genre pas commode mais suffisamment intéressée par les billets de banque. Leur voisinage est empreint d'un mélange de curiosité et de méfiance. Drôle d'ambiance... Au fur et à mesure on devine que les motivations de cet homme sont plus complexes qu'il n'y parait. S'il a commis un crime - ce que l'on ne sait toujours pas - il semble surtout honnir la vie et la société modernes, en vouloir au système tout entier et aspirer à une existence ramenée à la plus simple expression. Mobilier réduit au minimum, repas frugaux, déplacements à pied. Comme s'il souhaitait éteindre l'interrupteur et passer dans l'ombre. C'est bien sûr oublier qu'il y a les autres dont le regard est irrémédiablement attiré par celui qui le fuit. Celui des enfants qui se rendent à l'école du coin, de cette logeuse un peu trop méfiante, du compagnon de bibliothèque à l'air trop sympa pour être honnête ou même de ce policier municipal obsédé par l'ordre. De jour en jour le niveau des billets baisse, mais les nuages s’amoncellent au-dessus de la tête de celui qui voudrait juste être personne.

Si je trouve le thème particulièrement intéressant - comment faire de nos jours pour s'extraire du monde ? - j'ai été moins convaincue par le traitement qu'en fait Jonathan Dee probablement à cause du trop grand flou qui règne autour des motivations du personnage principal. Ce qu'il nous montre de la société américaine est assez désespérant et certainement très proche de la vérité, et j'ai très bien perçu la forme de rejet du héros mais j'ai eu du mal à capter sa logique (s'il y en a une) dans ces tribulations finalement assez décousues. Quand il déclare à la fin "je me suis lassé de mon histoire" il aurait fallu que j'en sache plus sur son histoire pour pouvoir adhérer à son état d'esprit. Dommage car le questionnement autour de la perte de sens ou encore la schizophrénie qui résulte de l'opposition entre l'envie d'être reconnu et celle de disparaître (ou encore parler ou se taire) était prometteur. J'en retiens quelques formules percutantes.

"Sugar street" - Jonathan Dee - Les Escales - 200 pages (traduit de l'anglais (EU) par Elisabeth Peellaert)

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A
J'étais déjà restée à distance d'un des titres de cet auteur dont on avait pourtant beaucoup parlé sur le blogo, il y a quelques années, c'était Les privilèges ... Là aussi un questionnement assez caustique sur le sens de la réussite à l'américaine et la perte du sens mais qui manquait d'allant romanesque, à mon goût.
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N
C'était la première fois que je lisais quelque chose de lui, j'avais vu passer ses précédents titres et notamment Les privilèges avec des avis enthousiastes mais n'avais encore jamais eu l'occasion de le lire. Pas inintéressant mais quitte à lire du Jonathan je préfère Franzen ;-)
D
Plus besoin d'écrire mon propre billet : je partage absolument chacun des mots de la tienne.
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N
Ah bah c'est pratique comme ça 😆