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Le chant du prophète - Paul Lynch
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Une grosse claque. Un vertige annoncé dès la page 29 lorsque Simon, le père d'Eilish lui glisse dans l'un de ses instants de lucidité "... rien de bien neuf là-dedans, je sais, sauf que cette fois ça se produit dans ta propre vie, pas dans un bouquin". Cette phrase vient percuter le lecteur qui désormais n'a plus qu'à vivre la réalité narrée par l'auteur dans la peau d'Eilish, avec l'écho de ses propres peurs. A ressentir la menace qui s'affirme, la lourdeur de l'atmosphère, les heures qui s'égrainent dans l'impuissance et la stupéfaction face aux événements, la dilatation du temps et de l'espace par le filtre du désarroi d'Eilish, catapultée dans une réalité qui ressemble à un cauchemar.
Paul Lynch mène son projet de main de maître, Eilish est une femme à laquelle on s'identifie parfaitement, sa famille, les Stack, ce sont nos voisins. Classe moyenne, quartier résidentiel de Dublin, quatre enfants, un aïeul dont la mémoire s'effrite. L'élection qui a porté au pouvoir un parti nationaliste extrémiste a eu lieu deux ans auparavant. En Irlande, autant dire chez nous. Le climat qui s'installe ensuite, les pressions, les privations progressives de liberté, puis les violences... On en a eu vent dans les journaux ou dans les livres. Pour nous ce sont des fictions, même lorsqu'elles sont réelles, mais si lointaines. Sauf que cette fois...
A travers le personnage d'Eilish que le romancier ne lâche pas une seconde, la réalité s'inscrit au fer rouge dans notre esprit et dans notre chair. Celle d'une femme, épouse, mère, fille, une femme qui prend soin, doit décider, improviser au milieu du chaos. La performance littéraire est sidérante, la tension à son paroxysme. L'expérience de lecture est parfois douloureuse, jusqu'au saisissement des dernières pages qui renvoient à tant d'images connues. Une grosse claque, oui. Qui sonne comme un avertissement, invite autant à l'empathie qu'à à rester vigilent face aux grignotages insidieux de certaines idéologies. Je crois que je n'oublierai jamais cette lecture. A ce niveau de projection dans l'altérité, la fiction est plus que salutaire.
Booker Prize. Of course !
"Le chant du prophète" - Paul Lynch - Albin Michel - 294 pages (traduit de l'anglais (Irlande) par Marina Boraso)
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