Du fil à retordre - Michelle Gallen
23 Janvier 2025 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans
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Été 1994 dans une petite ville pauvre d'Irlande du Nord. Trois amies rêvent de prendre la poudre d'escampette dès que leurs résultats d'examen confirmeront leur admission à l'université. En attendant, elles décrochent un job dans l'usine de confection de chemises de la ville, premiers pas vers l'émancipation. Un petit monde qui va bouleverser leur perception de la société grâce à l'expérimentation du terrain social avec son lot d'injustices mais aussi de solidarité.
Si le premier roman de l'autrice, Ce que Majella n'aimait pas m'avait beaucoup plu, celui-ci m'a enthousiasmée à bien des égards. Il y a bien sûr son personnage principal, Maeve Murray, 18 ans, animée d'une folle envie d'ailleurs et d'autrement. Laisser derrière elle les menaces permanentes, l'absence de perspectives, la guerre civile mais aussi la tristesse familiale qui colle aux murs ; gagner Londres, étudier et devenir journaliste, voilà son projet. Au cours de l'été, son apprentissage va s'enrichir aux côtés de compagnons de labeur venus de tous bords, dans une expérience de mixité communautaire inédite pour elle, imposée mais salutaire. Et c'est le deuxième point fort du roman, parvenir à faire ressentir toute la complexité de la situation politique et ses impacts jusque dans l'intimité à travers des personnages magnifiquement incarnés - les origines sociales des amies de Maeve comme mosaïque du déterminisme social, la cohabitation entre catholiques et protestants au sein de l'usine, le contrôle permanent des institutions britanniques jusqu'aux abus de pouvoir - et des situations qui éclairent l'impasse qui en mène beaucoup au désespoir. C'est à la fois profond et plein de peps, mené avec une belle dextérité romanesque. La verve de Maeve, son esprit aiguisé, son humour féroce emportent le morceau sans jamais éclipser la peinture sociale très percutante.
L'écriture de Michelle Gallen est à la fois puissante et pleine d'inventivité, j'imagine que sa traductrice a dû se régaler de la saveur de certaines images et expressions. Tout ceci au service d'une fresque aux multiples facettes qui donne à ressentir les enjeux dans toute leur cruauté, et d'une héroïne inoubliable que l'on aimerait retrouver un jour. J'ai dévoré ce roman avec un plaisir croissant, c'est une belle réussite.
"Du fil à retordre" - Michelle Gallen - Editions Joëlle Losfeld - 348 pages (traduit de l'anglais (Irlande) par Carine Chichereau)
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