/image%2F0757919%2F20161202%2Fob_0404d0_illustn-carre-comp-1dec16.jpg)
Zouleikha ouvre les yeux - Gouzel Iakhina
/image%2F0757919%2F20250222%2Fob_5b33a2_zouleikha-ouvre-les-yeux.jpg)
Formidable découverte ! Ce roman paru en 2015 (2017 en France) est le premier écrit par Gouzel Iakhina, autrice tatare saluée par Ludmila Oulitskaïa dans une préface qui éclaire son rôle salutaire et revigorant pour la littérature russe. Je l'ai découvert grâce à cette édition limitée proposée pour les fêtes et je me suis régalée.
C'est un roman au long cours, nourri par des personnages inoubliables et construit sur un contexte historique qu'il est toujours bon de rappeler. L'écriture est magnifique, aussi puissante que les vastes étendues qu'elle décrit. Comme le titre l'indique, l'histoire s'attache au parcours de Zouleikha, jeune paysanne tatare mariée à 15 ans à un fermier rustre et brutal dont elle est plus l'esclave que l'épouse, et qui subit en plus les maltraitances et humiliations infligées par sa belle-mère. Zouleikha a une trentaine d'années lorsque son mari est tué lors d'une opération de réquisition de biens par l'armée ; elle est immédiatement emmenée avec d'autres "déplacés", direction la Sibérie. Nous allons suivre pendant plus de quinze ans d'abord le périple du convoyage hallucinant, puis l'établissement des survivants dans une région désertique avec l'objectif de créer un village et un camp de travail destiné à contribuer à l'effort soviétique, enfin la vie qui s'organise dans des conditions dantesques. Par ce prisme, la réalité, la violence et l'absurdité du stalinisme apparaissent par petites touches tandis que s'accomplissent les destins de celles et ceux qui ont atterri là. La plupart sont des paysans mais quelques-uns sont des intellectuels estampillés anti-soviétiques.
L'autrice s'attache aux êtres humains, capte les étincelles de vie, d'espoir, de camaraderie et même d'humour alors que les conditions extrêmes menacent en permanence et que le système trouve à s'appliquer même au bout du monde. Le roman est captivant, très immersif, plein de lumière lorsqu'il suit la lente évolution de ses personnages. A commencer par Zouleikha, arrachée à tout ce qui faisait son monde, sa famille, ses coutumes et qui découvre peu à peu une forme de liberté et d'émancipation malgré la contrainte. La figure d'Ignatov, commandant forcé du camp après des péripéties révélatrices de l'absurdité du régime est tout aussi intéressante à suivre dans les évolutions de ses perceptions. Mais c'est le cas pour tous les protagonistes, même les seconds rôles, parfaitement incarnés et qui contribuent à la force qui émane de ce texte.
Le fragile équilibre entre la vie et la mort est en permanence au cœur de la narration, magnifiquement illustré par la relation qu'entretient Zouleikha avec la faune et la flore, alliance de réminiscence de ses traditions et d'adaptation à son nouvel environnement. Zouleikha ouvre les yeux plusieurs fois au fil du roman, sur ce qui l'entoure autant que sur elle-même. Ce qu'elle nous transmet ainsi a la puissance de l'instinct de vie, du courage et de l'amour. Je ne l'oublierai pas.
"Zouleikha ouvre les yeux" - Gouzel Iakhina - Libretto (Noir sur blanc) - 560 pages (traduit du russe par Maud Mabillard)
/image%2F0757919%2F20250309%2Fob_d1e8f4_repentirs.jpg)
/image%2F0757919%2F20250304%2Fob_4b6d08_la-guerre-par-d-autres-moyens.jpg)
/image%2F0757919%2F20250226%2Fob_78dbcc_l-affaire-de-la-rue-transnonain.jpg)
/image%2F0757919%2F20250217%2Fob_21ebfd_les-negatifs.jpg)
