La pire espèce - Cristian Fulas

14 Avril 2025 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Le titre annonce la couleur. Alors mieux vaut prévenir celles et ceux qui sont en quête d'un peu d'espoir et de réconfort face au spectacle offert par la scène politique mondiale : ce n'est pas l'endroit. Par contre, la plongée dans les coulisses d'une "démocratie" encore en construction, née sur les cendres de la dictature de Ceausescu et nourrie par la frustration, l'opportunisme ou la soif de revanche est absolument fascinante.

Sur un rythme de thriller, Cristian Fulas raconte une journée crépusculaire dans la vie d'une poignée d'individus dont les intérêts sont intimement liés à l'avenir de Miron, le chef du parti de gouvernement roumain dans le collimateur de la justice. Ça chauffe et cette fois aucune manœuvre ne semble susceptible de le sauver. Une journée de cogitations, de tractations, de remises en question et de revirements pour ceux qui sentent le vent tourner. Et un beau prétexte pour explorer avec une verve, une acuité et une intensité réjouissantes les arcanes d'un système verrouillé par une poignée de profiteurs en tous genres et de tous bords. Il y a Victor, homme de confiance de Miron et redoutable affairiste, Costin l'énigmatique conseiller ou encore Robert, écrivain raté reconverti en patron de presse propagandiste. Et quelques autres. Dans ce système sur lequel plane l'ombre des anciens "sécuristes", la corruption fait figure de carburant, les millions s'échangent d'un clic de smartphone avant de s'afficher ostensiblement. Tout se monnaye, y compris le succès ou la notoriété. Et malheur à celui qui se croirait plus malin que l'équipe aux commandes...

Dans une Bucarest oscillant entre misère et clinquant, aux rues congestionnées par les embouteillages, les destins individuels s'accrochent à la moindre étincelle de libre-arbitre dans une gigantesque toile d'araignée dont les fils sont d'argent et d'influence. La tension monte alors que l'auteur creuse plus avant dans la psyché de ses protagonistes, révélant leurs moteurs et leurs failles dans un jeu de dupes où le cynisme est roi. C'est redoutablement efficace, puissamment désespérant. Après la prose organique du sublime Iochka, cette auscultation à l'os des dérives d'un système aux attributs mafieux montre toute la richesse de la palette d'écrivain de Cristian Fulas, décidément passionnant à suivre.

"La pire espèce" - Cristian Fulas - La Peuplade - 428 pages (traduit du roumain par Florica et Jean-Louis Courriol)

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Kathel

14/04/2025 17:22

Merci pour ta réponse, Nicole !

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Kathel

14/04/2025 11:44

J'avais noté Iochka en son temps, mais jamais lu... Lequel me recommanderais-tu ?

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Nicole Grundlinger

14/04/2025 13:57

Oh là là... question piège. Les deux sont si différents, seule la puissance de l'écriture et l'acuité à saisir la psyché des personnages les relient, ainsi peut-être que le regard sur un monde dominé par les rapports de force. Je pense que Iochka est le plus surprenant, portrait d'un personnage inoubliable sur fond d'histoire récente. Celui-ci est plus contemporain dans sa description, de la même trempe que Le mage du Kremlin pour le point de vue politique sans concession...