Obsolète - Sophie Loubière
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Tiens, tiens... une dystopie féminine. Intrigant me suis-je dit peu de temps après avoir refermé La servante écarlate, encore un peu sous le choc du tableau proposé par Margaret Atwood. D'autant que Sophie Loubière place le rôle des femmes au centre de son roman et en fait le fil conducteur d'une réflexion sociétale approfondie.
Pour cela, elle nous projette en 2224, dans deux siècles. On s'en doute, il y a eu pas mal de changements, on n'a pas échappé à l'effondrement de la civilisation fossile, à la montée des eaux, aux cataclysmes ni à l'élévation des températures. Beaucoup de dégâts mais l'humanité - ce qu'il en reste - s'est adaptée et tente de préserver l'espèce confrontée à une très forte baisse de la fertilité. L'une des mesures phare de la nouvelle gouvernance est le retrait des femmes de plus de 50 ans qui doivent laisser place auprès de leurs conjoints à de plus jeunes aptes à procréer. Tout ceci se fait en douceur, le process est admis par tous et les futures Retirées aspirent à la perspective d'une seconde vie aux allures paradisiaques dans un mystérieux domaine. Justement pour Rachel c'est le moment. Elle y est préparée et même si la tristesse l'étreint à l'idée de quitter son mari et son fils, elle se fait vite une raison. Pourtant, un petit doute s'insinue en elle : et si ce domaine n'était pas le paradis vanté depuis toujours ?
Personne n'en est revenu pour raconter mais le lecteur, lui va faire le voyage avec Rachel. Dans un récit à double voix, il va suivre d'un côté les événements du village où la mort mystérieuse de trois fillettes met en émoi une société bâtie sur l'éradication de toute forme de violence, et de l'autre le parcours de Rachel depuis ses souvenirs d'enfance jusqu'à sa découverte du fameux domaine des Hautes Plaines. C'est addictif. Très addictif. D'abord parce que l'univers futuriste proposé est plein de trouvailles, très finement élaboré, mêlant retour aux savoir-faire ancestraux et utilisation raisonnée du meilleur de la technologie. Ensuite parce que la réflexion autour des socles de la nouvelle société - modes de gouvernance, articulation entre local et régional, enseignements - est très complète et s'appuie de façon habile sur le regard porté sur les erreurs passées (c'est à dire notre présent). A ce titre, l'idée d'attribuer au mari de Rachel la profession d'archéologue est plutôt savoureuse. Enfin, parce que le lecteur a terriblement envie de connaître la vérité sur ce domaine des Hautes Plaines.
Bref, on ne s'ennuie pas un instant tout en cogitant sec sur la notion d'utilité, sur le rôle assigné aux femmes ou encore sur la mécanique de précision d'une société apprenante. De quoi fournir matière à de belles discussions au sein des clubs de lecture à défaut de nourrir les réflexions de nos gouvernants.
"Obsolète" - Sophie Loubière - Pocket (Belfond) - 586 pages