La servante écarlate - Margaret Atwood
17 Décembre 2024 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans
Ce roman va fêter ses quarante ans et je me demande si sa lecture n'est pas plus impactante de nos jours qu'à l'époque de sa parution. Question de physionomie du monde. C'est ce qu'en dit Azar Nafisi dans Lire dangereusement qui m'a enfin décidée à le découvrir et je ne regrette pas l'expérience.
Tout le monde ou presque connaît l'histoire adaptée récemment en une série à succès (que je n'ai pas vue pour ma part), une dystopie mettant en scène la disparition de la démocratie aux USA, remplacée par une théocratie autoritaire dans laquelle le rôle des individus est défini selon les besoins tels que décrétés par le régime. L'héroïne, Defred, fait partie des femmes assignées à la reproduction dans un monde où la fertilité est gravement perturbée. C'est elle qui raconte en mêlant son présent aux réminiscences de sa vie d'avant qui ressemble fort à celle que nous connaissons. L'intrigue évolue à petits pas, les éléments s'emboîtent progressivement, on ne situera jamais vraiment la temporalité du récit que l'autrice prend soin d'inscrire dans la perspective donnée par une découverte future. Cette lente progression permet au lecteur de prendre toute la mesure de la perte et du désarroi de Defred, de minuscules détails viennent l'alerter sur la fragilité de l'existant, de ce que l'on tient pour acquis, et appréhender la possibilité d'un basculement. Car Margaret Atwood précise dans ses interviews qu'elle a pris soin de n'utiliser pour bâtir sa fiction que des situations déjà observées quelque part dans le monde, à une époque ou une autre. Et c'est sans doute ce qui rend ce roman aussi bouleversant, la conscience du possible. Azar Nafisi dressait par exemple un parallèle avec l'Iran, Margaret Atwood s'est aussi référée aux origines puritaines de l'Amérique. Plus proches de nous, les discours actuels de certains groupes politiques fort inspirés par des principes religieux qui renverraient bien les femmes à leurs matrices et à leurs fourneaux montrent que la vigilance est toujours de mise. Mais plus globalement, c'est de totalitarisme dont il s'agit, et ce qui fait frissonner c'est la relative facilité du basculement tel qu'il est finement raconté.
Quarante ans après sa parution, ce roman questionne notre vision du monde avec une acuité rendue encore plus sidérante par sa pertinence face à l'actualité, et c'est toute sa force.
"La servante écarlate" - Margaret Atwood - Pavillons poche/Robert Laffont - 550 pages (traduit de l'anglais (Canada) par Michèle Albaret-Maatsch)
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