L'arbre du dieu pendu - Alejandro Jodorowsky

26 Mai 2025 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

J'ai bien fait de jouer ! Il y a quelques mois j'ai remporté un lot de 4 livres de la collection "Suites" des éditions Métailié. Je participe rarement à ce genre de concours mais il faut croire que j'ai été bien inspirée car le premier volume que j'ai ouvert m'a valu une de mes lectures les plus enthousiasmantes de ce début d'année. J'avoue, je ne connaissais rien de l’œuvre ni de la réputation de l'auteur et j'ai découvert un peu honteuse la richesse et l'éclectisme de sa biographie artistique sur Wikipédia. Peu importe, l'essentiel n'est pas là mais dans l'incroyable épopée qu'il met en scène en décidant de passer l'exploration de son arbre généalogique au filtre de son imagination débordante. Transformant le tragique en course d'apprentissage échevelée à travers les époques et les océans, et "sa mémoire familiale en légende héroïque".

Cette histoire familiale se confond avec celle du 20ème siècle (même si l'auteur n'hésite pas à remonter jusqu'au 15ème siècle), les conséquences de la révolution russe qui poussa nombre de familles juives d'Europe centrale à fuir ; celles de l'auteur ont suivi des parcours légèrement différents pour finalement se rejoindre en Amérique du Sud via l'Argentine et le Chili. Nouveaux espaces qui ne manqueront pas non plus de courants révolutionnaires. Ça, ce sont les faits. Pour l'écrivain, le comment est un vaste terrain d'expérimentation qui permet d'explorer toutes les dimensions spirituelles autant que charnelles. Et il y va à fond, tant dans les contours de ses personnages, saltimbanques, explorateurs, éleveurs d'abeilles ou dresseurs de fauves, artistes dont les destins se font animistes ou mystiques, martyrs ou révoltés. C'est un festival grandiose et savoureux, sorte de feu d'artifice qui ose tout, morts violentes, accouplements sauvages, superstitions, jaillissement de liquides en tout genre... Mais tout se tient dans un fil rouge tendu vers une naissance, celle de l'auteur/narrateur conscient d'être fait, comme tout être humain, de tout ce qui l'a précédé. Son exploration n'est rien de moins que celle de la vie attachée à chaque cellule, célébrée à chaque jaillissement... Jodorowsky pourrait faire penser à un Safran Foer du sud.

Une expérience assez magique qui renvoie au plaisir originel de l'invention des histoires. J'étais suspendue à la plume du conteur, même perdue dans la pampa ou dans les branches de l'arbre qui finissaient par se confondre dans mon esprit, époustouflée surtout par sa façon de transformer une matière bien réelle - les exils répétés des juifs chassés de tous temps, les révolutions et les luttes sociales - en une incroyable symphonie littéraire des origines et de la transmission. Ébouriffant !

"L'arbre du dieu pendu" - Alejandro Jodorowsky - Suites/Métailié - 440 pages (traduit de l'espagnol (Chili) par Mara Hernandez et René Solis)

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