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Chagrin d'un chant inachevé - François-Henri Désérable

29 Mai 2025 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Récits

François-Henri Désérable sait capter son public, à l'oral comme à l'écrit. Charisme de sportif de haut niveau (il fut professionnel de hockey sur glace), bagout de conteur de grandes tablées, c'est un plaisir de l'écouter distiller les éléments pour ménager le suspense. Le lire n'est pas décevant, on retrouve le même ton faussement détaché, qui nous embarque ici pour un périple en Amérique du Sud, loin du tourisme organisé et aseptisé, là où passa le jeune Ernesto Guevara avant de devenir le "Che". Le parcours est riche : Argentine, Paraguay, Chili, Bolivie, Pérou, Colombie, Vénézuéla ; accompagné puis seul, à moto, en stop, en bateau. C'est ce qu'on appelle voir du pays.

L'auteur ne se prend pas au sérieux, il ne faut donc pas attendre un traité ou un précis de voyage ; on est plutôt dans l'observation décalée, l'anecdote, le petit détail qui fait la bonne histoire. D'ailleurs ce livre paraît huit ans après le voyage sur lequel Désérable dit n'avoir pris aucune note. Le récit prend ainsi des allures de balade littéraire au gré des souvenirs entremêlés et revus au prisme de nouveaux séjours sur le territoire où viennent se glisser quelques digressions nourries par les aventures amicales ou éditoriales, par les lectures aussi. Solliciter ainsi sa mémoire c'est déjà faire œuvre de fiction, l'auteur ne s'en cache pas. En fil rouge, l'ombre de Guevara mais l'ombre seulement, contextes politique et sociétal n'étant qu'effleurés en arrière-plan à l'aune de quelques mésaventures. Le regard englobe néanmoins les réalités des évolutions de certains pays depuis le voyage référent, sans toutefois en faire un sujet. Le propos central serait plutôt d'inciter à ouvrir les yeux sur le monde, se frotter aux ailleurs, que ce soit par la lecture (que l'auteur avoue avoir découvert assez tard) ou par le voyage sans entrave. Pas si simple par les temps qui courent dans certains coins du monde, pas si simple à l'heure du "fast" tout... 

Pour F.H. Désérable la bougeotte est née de la contemplation d'un planisphère punaisé au mur d'une salle de classe en CM2. On espère que ce charme des noms de contrées inconnues agit encore à l'heure des conversations avec les IA et des voyages via Google Earth ou autre dispositif virtuel.

"Chagrin d'un chant inachevé" - François-Henri Désérable - Gallimard - 202 pages

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A
J'ai bien aimé plusieurs titres de cet auteur, et je vois bien la tonalité décalée que tu évoques ... Mais je crains un peu l'absence d'un réel fond ... Il dit des trucs sur le Che, quand même ?
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N
Ça reste un bruit de fond, une ombre, la silhouette est présente mais même l'auteur renvoie à une bibliographie en fin d'ouvrage pour approfondir, donc...
D
J'aime beaucoup cet auteur, et je retrouve à travers tes mots ce qui faisait déjà l'attrait de son précédent titre sur son voyage en Iran. Ça m'étonnerait que je ne finisse pas par céder à la tentation...
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D
J'avais été bien plus convaincue par le ton que par la profondeur, justement. Au vu de tout ce qui se passait en Iran après la mort de Mahsa Amini, il m'avait semblé qu'il passait un peu côté/ Mais il y avait autre chose, qui me semble tout à fait en adéquation avec ce que tu dis. Bref, le mieux, c'est que j'aille voir ça par moi-même ;-)
N
Je n'ai pas lu son récit de périple iranien, alors attention car pas mal de lecteurs n'ont pas retrouvé ici l'intensité du précédent (il y a des raisons à cela comme je l'explique dans mon billet). Néanmoins, le ton est là, le regard un peu décalé, le talent du conteur... mais pour la profondeur ce n'est pas tout à fait ça.
K
J'avais aimé son bouquin en Iran, là je partirais bien aussi...
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N
Attention néanmoins, d'abord ce voyage a eu lieu il y a 8 ans et le récit prend de la distance et aussi beaucoup de liberté donc ne pas s'attendre à la même densité...