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Le dernier gardien d'Ellis Island - Gaëlle Josse

19 Mai 2015 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Le dernier gardien d'Ellis Island - Gaëlle Josse

Avec "Les heures silencieuses" puis "Noces de neige", j'avais découvert une romancière subtile, dont la concision ne gâte en rien la puissance des images qui jaillissent au fil des mots. "Le dernier gardien d'Ellis Island" offre quelque chose de plus. Peut-être est ce dû à ce bouleversement que Gaëlle Josse explique avoir ressenti lors de sa visite d'Ellis Island, sans savoir alors que les premières lignes d'une fiction en naîtraient à peine quelques semaines après. A travers l'histoire (totalement imaginée) du dernier gardien d'Ellis Island, c'est un pan de l'histoire du monde qui s'offre à nous, mais aussi une profonde interrogation sur le statut de migrant, Ô combien d'actualité. Une interrogation qui revient à toucher du doigt la quintessence de l'humanité.

Nous sommes donc en novembre 1954, le centre d'immigration d'Ellis Island va fermer. Après la seconde guerre mondiale, les flots de migrants se sont peu à peu taris et l'endroit qui n'a plus d'utilité sera transformé en musée ; un musée qui résonne de la mémoire des millions d'individus qui l'ont arpenté, remplis de l'espoir d'une vie meilleure. John Mitchell, son directeur a passé presque toute sa vie sur cette île. L'appréhension de la quitter, de retrouver une vie normale fait jaillir les souvenirs et avec eux, les joies, les peines, les remords. Car on ne côtoie pas impunément la misère de l'humanité. On a beau se blinder, être convaincu de sa mission au service de son pays, ceux que l'on croise chaque jour sont bien des êtres humains, avec une histoire, un passé, une vie à continuer. Alors John Mitchell raconte. Il noircit les pages de son dernier carnet de bord, après avoir mis de l'ordre dans ses registres classés d'après les noms des bateaux et les dates auxquelles ils ont accosté. Il dit les années de bonheur partagées avec sa femme, infirmière dans le centre, et l'état de vulnérabilité dans lequel l'a laissé son décès prématuré. Il dit les rencontres, la fascination pour une jeune femme, l'envie d'aider parfois, la conscience d'être souvent impuissant, la nécessité de se réfugier derrière sa mission de service public. Et la découverte, tardive, de n'avoir rien compris.

La démonstration est limpide, d'une efficacité poignante. On a là un texte qui, je l'espère sera étudié dans les écoles, tant il représente un support idéal pour illustrer les grandes questions qui ne cessent de diviser l'humanité, et en premier lieu le rapport à l'autre.

Bravo Gaëlle Josse, et merci pour ce superbe texte, si terrible, si vrai, si utile.

"Le dernier gardien d'Ellis Island" - Gaëlle Josse - Notabilia - 167 pages

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L
Bonjour. A la note de lecture ci-dessus j'ajoute que pour ma part je souhaiterais que ce texte soit étudié non seulement dans les écoles, mais les Etablissements dits supérieurs. C'est non seulement le point central (émigration) mais les réalités annexes (Sardaigne ; anarchisme italien) qui au passage sont évoqués avec une justesse rarement présente, du côté de la production dite savante.
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L
bien d'accord avec votre réponse de 15.19, Nicole. J'avais déjà fait ce constat il y a longtemps à l'occasion d'une recherche sur Victor-Serge, qui de proche en proche m'avait amené à lire "toute" la littérature savante consacrée à la... bande à Bonnot. Mais au total ce que j'avais trouvé le plus démonstratif était le roman de Malcolm Menzies, "En exil chez les hommes", qui s'était pourtant fixé un objectif difficile -reconstituer ce qu'avaient pu être les discussions des occupants du pavillon de Romainville.
N
Tout à fair d'accord. Souvent le roman, quand il est bien fait offre une puissance de démonstration plus efficace que les grands discours...