Oyana - Eric Plamondon
Il y a un peu plus d'un an, je découvrais Eric Plamondon par la grâce de saumons qui remontent le cours des rivières pour rejoindre leur lieu de naissance et que l'on nomme alors Taqawan. Cette fois, il est question de baleines qui traversent l'Atlantique et remontent le Saint-Laurent. Ce qui nous vaut, en plus de textes forts et interpellant, un début de collection de poissons via les magnifiques illustrations des couvertures. Il serait néanmoins dommage de prendre ça pour un gadget. Tout comme dans Taqawan, le sort des indiens était lié à celui des saumons, il faut parfois se pencher sur les liens historiques entre deux continents pour essayer de comprendre le présent.
"S'il est difficile de vivre, il est bien plus malaisé d'expliquer sa vie". Quel bel exergue, emprunté à Marguerite Yourcenar pour introduire la prise de parole de l'héroïne de ce roman, Oyana, alors qu'elle écrit une lettre à son mari, Xavier, qu'elle s'apprête à quitter. Car cela fait vingt-trois ans qu'elle vit sous une fausse identité, loin de chez elle, loin du Pays-Basque, loin des agissements de l'ETA dont elle vient d'apprendre la dissolution. Cela fait vingt-trois ans qu'elle vit à Montréal, respectable femme de médecin, sans parvenir à chasser le remord du creux de son ventre. Alors sous sa plume, nous allons, en même temps que son mari, découvrir son histoire, liée à des siècles d'histoire chahutée.
On retrouve avec grand plaisir la mécanique exploratoire de l'auteur qui élargit le spectre pour mieux mettre en perspective la complexité des choix individuels dans des environnements qui offrent peu de marges de liberté. Avec au centre, la question de l'identité. Forgée par l'histoire, par nos ancêtres mais également cachée, transformée ou niée pour faire face aux aléas d'un destin pas toujours maîtrisé. On passe donc par la Guerre d'Espagne, l'ETA, mais également la tradition de la chasse à la baleine et la découverte de Terre Neuve. Par de courts chapitres qui viennent entrecouper le récit d'Oyana et apporter leur pierre à la nasse qui constitue le passif de chaque individu, pour peu que l'on remonte un peu le temps.
Inutile de dire que l'on ne s'ennuie pas, l'auteur maitrisant parfaitement sa trame narrative, faisant monter la tension dramatique sans aucun temps mort. Passant de l'ombre à la lumière, de révélations en retournements de situations sans aucune pitié pour ses personnages. Se retourner sur le passé, en quête de pardon, de rédemption n'est pas forcément la meilleure idée, surtout quand on a bâti sa vie sur le mensonge. Les morts sont toujours morts et les vivants continuent d'interroger leurs choix.
Constat implacable, mécanique efficace, lecteur K.O.
"Oyana" - Eric Plamondon - Quidam éditeur - 148 pages