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Le Consentement - Vanessa Springora

20 Février 2020 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Récits

Ce n'est jamais évident d'aborder un livre dont on a déjà beaucoup entendu parler, un livre qui a provoqué un séisme dans le milieu littéraire - et bien au-delà - avant même sa parution. Un livre dont on connait le propos et même plus à travers les interviews qu'a données l'auteure à peu près dans tout ce qui compte d'émissions littéraires ou de pastilles littéraires dans des émissions à plus large spectre. Un livre qui s'inscrit dans une actualité brûlante ces dernières années, celle de la prise de parole, du refus des victimes de continuer à se cacher, de l'envie de faire "changer la honte de camp" comme l'expriment celles qui parlent. Ce n'est pas évident mais c'est une réelle opportunité. Celle de ne pas se prendre les pieds dans la dictature du sujet qui a tendance à occulter, dans les retours et autres avis, le projet littéraire.

Il y a différents récits sur ce thème. La plupart du temps, les victimes ne sont pas issues du milieu littéraire - actrices, sportives, mannequins... - et se font aider d'une plume journalistique qui les aide à raconter et se charge de la mise en forme. On est dans le récit pur, le témoignage à la fois salutaire pour celle qui parvient enfin à se livrer au grand jour et instructif, voire exemplaire pour les lecteurs. Ce que réalise Vanessa Springora est tout autre. Éditrice, ayant toujours côtoyé le milieu littéraire (sa mère travaillait pour des éditeurs, elle-même tenait un journal plus jeune), la littérature fut pour elle autant une prison (dans laquelle l'enferma celui qu'elle appelle G., utilisant leur relation comme matière) qu'une libération lorsqu'elle en fit son métier. Et devient à présent l'instrument qu'elle retourne contre celui qui la brandit comme excuse (entre autres) à ses turpitudes. Un instrument aussi tranchant qu'une lame que l'on a pris le temps de bien aiguiser.

La construction du récit de Vanessa Springora est limpide, sa démonstration implacable. On sent qu'elle a eu le temps d'y réfléchir - 30 ans. Des années de dérive et de reconstruction certainement. Qui lui permettent de parfaitement retracer le cheminement de l'emprise qu'a exercée Matzneff sur elle. Le terrain favorable (environnement familial défaillant, précocité sexuelle...), l'entreprise de prédation (car pourquoi le créditer du mot séduction ?) puis d'isolement et d'exclusion. Et surtout, la terrible complaisance de l'entourage. Car c'est certainement le plus choquant dans ce qui nous est donné à lire, sans compter ce que nous apprenons depuis que le livre est sorti, que les langues se délient et certaines vestes se retournent. Il y a quelques semaines j'ai tilté sur cette situation d'Einstein en exergue du dernier roman de Pascal Manoukian : "Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal mais par ceux qui les regardent sans rien faire". Cette phrase, j'y ai pensé tout au long de ma lecture face à la désertion dans cette histoire de tous ceux qui auraient dû faire rempart, au moins essayer. Les parents, la mère en premier lieu, vis à vis de leur fille de 14 ans et face à ce qui n'était pas une rumeur mais un comportement avéré de la part de Matzneff (la jeune fille est moquée dans son lycée de sortir avec un pédophile). Et que dire du milieu littéraire et médiatique ? Inutile de s'étendre, Le Consentement a le mérite de poser la question sur la place publique et c'est salutaire. En cela, la dernière page du livre est cinglante.

Il n'y a pas d'introspection dans ce livre, l'auteure a dépassé cela et travaillé sans doute sur elle-même pour admettre qu'elle était une victime malgré ce consentement. Pas d'auto-apitoiement. Le propos est épuré pour aller à l'essentiel. On sent pourtant poindre une colère froide, l'envie d'en mettre certains face à la véritable image d'eux-mêmes que ce livre leur renvoie. Mais pas seulement. En démontant froidement le mécanisme, les rouages et les collusions, Vanessa Springora dépasse le cadre personnel et interroge la société tout entière. En cela, Le Consentement est un livre qui compte, bien au-delà du témoignage.

"Le Consentement" - Vanessa Springora - Grasset - 208 pages

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A
à cause du confinement j'ai enfin lu ce livre ; je n'osais pas .<br /> quelle révélation , quelle intelligence , quelle dignité !son témoignage , sans haine , m'a autant bouleversée que lorsque je l'ai vue à la Grande Librairie. <br /> à lire absolument
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N
Oui, je suis d'accord, c'est un livre à recommander le plus largement possible.
B
Cette femme a beaucoup de courage et mérite le respect. Je ne lirai pas ce livre car je ne peux pas, le sujet est trop sensible pour moi, mais à chaque fois que j'ai écouté cet auteur il m'a semblé qu'elle avait une grande dignité.<br /> Merci pour votre article.<br /> Bonne journée.
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N
En fait, son livre est le parfait reflet de son attitude lors de ses interviews. Ce qu'elle produit est le fruit d'une longue réflexion intellectuelle nourrie très certainement d'un gros travail sur elle-même ; complété d'une démarche littéraire implacable. Merci pour votre message.
F
Merci pour cette présentation. Je note ce titre qui fera partie de mes prochaines lectures .
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N
Une lecture importante. J'espère que vous l'apprécierez.
C
Je viens de publier mon billet et de lire le tien : je vois qu'on est d'accord ! J'aimerais vraiment que ce document gagne le prix Elle ...
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N
Oh il y a des chances pour qu'elle soit très bien placée. Moi j'adore aussi le Safran Foer mais je sais qu'il n'a aucune chance alors que le Consentement doit pouvoir fédérer pas mal. On sera fixées dans plus très longtemps... ;-)
D
Trente ans... C'est en effet ce qu'il aura fallu pour nous livrer cet ouvrage d'une force inouïe qui bouscule notre société. Rares sont les prises de parole aussi dignes, intelligentes et fortes.
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N
Exactement ! Et ces trente ans, tu les sens dans le livre... c'est assez incroyable. J'admire, la femme et l'auteure.
A
moi qui ne lisais presque jamais de rormans , voilà que j'ai lu les 2 livres de yannick Grannec avec grand plaisir et je termine en ce moment " maitres et esclaves " de Paul Greveillac C'est la longue histoire d'un paysan chinois né en 1950 , artiste de génie qui grandit dans la tourmente du communisme . Il traverse la période du Grand bon en Avant , la révolution culturelle , la famine qui a provoqué des millions de morts , nous apprenons tout cela de façon beaucoup plus intéressante que dans les livres d'histoire. un livre passionnant que je recommande fortement .
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N
Ah oui, j'en ai entendu parler, plutôt en bien. Il y a, heureusement, de très bons romans, intelligents, immersifs et qui nous ouvrent sur le monde. Quand c'est bien fait, le pouvoir de la fiction me semble même supérieur à celui d'un récit car il provoque une empathie, un système d'identification inégalable. J'ai des tas d'exemples. Celui de Francesca Melandri, Tous, sauf moi ; celui d'Alice Zeniter, L'Art de perdre sont pour moi de très grands romans... mais ce ne sont pas les seuls.
V
Comme tu as dû le voir, je m'incline sur le travail introspectif et le courage, mais je reste dans l'idée que je ne lis pzs poir ce genre d'ouvrage. Il n'en reste pas moins que je trouve la tâche valeureuse pour mettre le nez des muets dans la m***
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N
Oui, j'ai vu ton post sur IG. Je ne vais pas non plus vers ce genre de récits mais, je pense que celui-ci est particulier car il est aussi un objet littéraire, pas seulement un témoignage. Il y a un concept fort qui permet de dépasser le cadre personnel ou "anecdotique" (pas dans le sens léger, hein) pour toucher à l'universel. Il dit quelque chose de la société.
F
Je me suis promis de le lire mais quand l'attention médiatique sera un peu retombée.
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N
C'est vrai qu'avec ce bruit autour, ça freine les ardeurs. J'ai d'autant plus apprécié ce que je découvrais...
A
j'ai vu cette femme à La Grand Librairie . Elle m'a impressionnée . Et votre article m'incite à ire le livre . Je me demande si elle a de a colère vis à vis de son entourage qui ne l'a pas protégée .
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N
Oui j'ai vu aussi son intervention et ce qu'elle renvoie dans ce livre correspond à sa posture lors de cet entretien. Je me pose la même question vis à vis de son entourage... je pense qu'elle a réglé ça avec elle-même sinon elle n'aurait pas pu écrire ce livre.
K
Je ne suis pas si sûre de le lire, j'essaierai, quand il sera libre à la bibli
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N
Honnêtement si je ne l'avais pas reçu pour le prix ELLE je ne l'aurais peut-être pas lu ou pas tout de suite. Et j'aurais eu tort.