Quand tu écouteras cette chanson - Lola Lafon

9 Novembre 2022 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Récits

"Peut-être commence-t-on parfois à écrire pour faire suite à ce qu'on a perdu, pour inventer une suite à ce qui n'est plus. Pour dire, comme le petit rond rouge sur un plan, que nous sommes ici, vivants. Si la mémoire s'étiole, les mots, eux, restent intacts, ils sont notre géographie du temps."

Si ce récit est précieux c'est parce qu'il est construit autour du pouvoir des mots. Ceux soi-disant connus dans le monde entier, contenus dans le Journal d'Anne Frank ; ceux qui se sont perdus au fil du temps, dont on a dénaturé la signification ; ceux qui restent muets, oubliés dans un coin de la mémoire et qui vont surgir quand on s'y attend le moins. Le travail d'écriture de Lola Lafon est impressionnant et bouleversant. Cette nuit "au musée", dans l'Annexe où, au cœur d'Amsterdam la famille Frank s'est terrée pendant de longs mois, va agir comme un révélateur pour l'autrice. Son récit est celui de l'absence, du vide, d'un creux au milieu du ventre.

On y ressent d'abord de la pudeur, une certaine gêne à explorer ce lieu en sachant ce qui s'y est produit. Puis affleure la volonté de Lola Lafon de redonner à Anne Frank la plénitude de son identité, non pas de diariste mais d'écrivaine. Pour cela il faut écarter un à un les filtres, les interprétations, les omissions volontaires. Tout ce qui a contribué à l’idolâtrie et par-là même à faire mourir cette jeune fille une deuxième fois. Revenir au texte, à l'essentiel, et à l'absence. Pour enfin pouvoir atteindre un autre vide, plus personnel. Alors les vides, les creux peuvent se rejoindre dans une sorte de murmure universel des existences assassinées. Et les mots peuvent prendre le relais.

Les mots. Trait-d'union entre deux écrivaines à travers le temps, vecteurs de mémoire et de restitution. Les mots. Contenus dans une chanson comme autant d'antidotes à l'oubli. Les mots. Bouée de sauvetage contre le vide. Les mots. Si justes, émouvants, profonds.

"Quand tu écouteras cette chanson" - Lola Lafon - Stock (Ma nuit au musée) - 250 pages

Et l'avis enthousiaste de Keisha

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