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Un début dans la vie - Anita Brookner
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"A quarante ans, le professeur Weiss, docteur ès lettres savait que la littérature avait gâché sa vie." Impossible de ne pas reproduire cet incipit à la fois intrigant et parfaite introduction au récit qui va suivre. Un début dans la vie fut le premier roman publié en 1981 par Anita Brookner à l'âge de 53 ans, et une parfaite occasion après Hôtel du Lac l'an dernier de continuer à découvrir son œuvre bizarrement oubliée mais heureusement rééditée par les éditions Bartillat. D'apprécier la précision de son écriture, sa capacité à créer une atmosphère et à précipiter ses personnages dans l'action d'un simple trait de plume qui peut s'apparenter à un coup de griffe.
Dans ce roman, l'autrice revient sur l'enfance et les débuts dans la vie de Ruth Weiss devenue professeur à l'université mais auréolée d'un voile de solitude qui trouve sans doute son explication dans son histoire familiale. Les descriptions de la famille de Ruth, mère actrice indolente et égoïste, père libraire dandy et non moins égoïste, maison héritée mais pas entretenue pourraient prêter à sourire si elles ne montraient de façon cruelle les conditions dans lesquelles la jeune Ruth a dû faire son apprentissage. On comprend dès lors son refuge dans la compagnie des livres, sortes de tuteurs sur lesquels elle s'appuie tant bien que mal pour se forger une vision de la vie qui lui donne à espérer d'autres types de relations. Les héroïnes de Balzac jouent un rôle particulier dans cet apprentissage, et plus tard, une thèse puis un livre Les femmes dans les romans de Balzac assoiront son autorité. Cependant, sa confrontation avec la vie réelle, les relations humaines qu'il s'agisse d'amitié ou de jeu amoureux s'avérera compliquée car très éloignée des observations balzaciennes. Ou d'autres sentiments appréhendés à travers ses lectures. Au fur et à mesure de ses expériences, sa vision des personnages de ses romans préférés se modifie à l'aune de ses découvertes sur elle-même et les autres. Décidée à s'éloigner du cocon familial toxique, c'est à Paris entre chambres de bonnes et bibliothèques universitaires qu'elle tentera de goûter à une liberté balbutiante sans toutefois parvenir à se débarrasser complètement des chaînes qui l'entravent depuis Londres.
Il semble que ce roman contienne beaucoup de matière autobiographique ainsi que les germes des héroïnes que l'autrice se plaira par la suite à mettre en scène, ces femmes solitaires à moitié par choix pour leur soif d'indépendance mais aussi par contrainte, prises entre deux feux. En attendant, la plume féroce d'Anita Brookner saisit avec une délicieuse acuité les laideurs enfouies sous les masques tout en rendant un hommage amoureux à l’œuvre de Balzac et à ses héroïnes. Montrant ainsi la façon dont la littérature offre des chemins de vie. Avec une implacable élégance.
"Un début dans la vie" - Anita Brookner - Editions Bartillat - 224 pages (traduit de l'anglais par Nicole Tisserand)
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