Hôtel du Lac - Anita Brookner
Je n'avais encore jamais lu Anita Brookner et cette réédition préfacée par mon auteur fétiche Julian Barnes s'est présentée à point pour combler cette lacune. Il s'agit tout de même du Booker Prize 1984 écrit par une romancière que Barnes présente comme une amie et dont il s'est d'ailleurs largement inspiré pour le personnage d'Elizabeth Finch, son dernier roman. Autant dire que je partais avec un a priori très favorable, qui n'a pas été démenti au cours d'une lecture dont j'ai savouré la profondeur du propos et l'adresse de la construction ainsi que l'atmosphère un peu désuète qui imprègne le décor.
L'Hôtel du Lac, sur les rives du lac Léman est un de ces lieux intemporels qui ignorent les modes et dont on se refile l'adresse dans un certain milieu lorsqu'il s'agit de trouver un point de chute à des êtres qui ont besoin d'un peu d'ombre et de recul. C'est là que séjourne Edith Hope, une autrice anglaise de romans sentimentaux à succès contrainte de se faire oublier quelque temps. Pourquoi ? Nous l'apprendrons au fil du récit par des éléments finement distillés qui racontent la situation particulière de la jeune femme, toujours célibataire à l'approche de la quarantaine et partagée entre la satisfaction de l'indépendance et des envies matrimoniales qui la feraient entrer dans une certaine norme sociale. Ce séjour contraint lui offre l'opportunité d'observer quelques-uns des pensionnaires et la comédie sociale qui se joue à chaque moment de la journée tout en essayant de remettre de l'ordre dans la façon dont elle perçoit sa vie.
L'autrice parvient à installer une impression de suspens à plusieurs niveaux, prétexte à interroger ce qui pèse sur la condition d'une femme offerte au jugement d'une société corsetée et le prix à payer pour une dose de liberté. La richesse du propos séduit autant que la très fine touche d'humour qui affûte le regard de l'héroïne et prolonge sans doute l'esprit de l'autrice habile à décocher quelques flèches bien senties. L'unité de lieu permet un pas de côté à la fois original et déstabilisant, propice à la réflexion d'Edith dont nous suivons les méandres à chaque étape jusqu'à une fin dont je vous dirai rien. Il y a comme un petit air de rébellion qui souffle dans ces pages, une incitation à se trouver soi-même et surtout à faire ses propres choix. Quand c'est raconté avec autant d'intelligence, c'est un vrai plaisir.
"Hôtel du Lac" - Anita Brookner - Editions Bartillat - 218 pages (traduit de l'anglais par Solange Lecomte / Préface de Julian Barnes)
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