L'enfant de la prochaine aurore - Louise Erdrich
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"L'une des plus importantes écrivaines amérindiennes" c'est ainsi que les media ont l'habitude de présenter Louise Erdrich dont j'entends parler depuis longtemps mais que je n'avais encore jamais lue. Je ne sais pas si ce roman est tout à fait représentatif de son œuvre, il s'agit d'une dystopie à l'ambiance assez particulière, mais en tout cas la rencontre s'est bien passée. Je me suis glissée avec curiosité puis intérêt dans cette histoire intrigante qui demande de rester en éveil pour tenter d'en comprendre les tenants et les aboutissants. Pas simple, mais le lecteur est finalement dans la même position que l'héroïne qui tente d'appréhender les événements au fur et à mesure qu'ils se déroulent et plongent la population des Etats-Unis dans une situation inédite et effrayante.
Cette histoire est racontée par Cedar Hawk Songmaker, née Mary Potts de parents indiens puis adoptée par un couple blanc de Minneapolis ; elle la consigne dans un carnet, au jour le jour, en s'adressant à l'enfant qu'elle porte. Elle reconstitue pour lui la quête de ses origines, le chemin entrepris assez récemment pour retrouver ses parents biologiques, les rencontrer dans la réserve indienne où ils vivent. Elle lui confie ses craintes, les menaces qui pèsent sur eux-deux dans un monde en train de changer, muter sans que l'on ne comprenne bien ce qu'il se passe. Il est question d'arrêt de l'évolution des espèces. "Selon toute apparence - sauf que personne ne le sait -, notre monde régresse. Ou progresse. Ou peut-être marche en crabe, d'une façon qui nous échappe encore" écrit-elle au tout début de ce cahier. Les femmes enceintes sont recherchées et enfermées dans des hôpitaux étroitement gardés, sans que l'on sache ce qui leur arrive après la naissance. Des groupes religieux ont pris le pouvoir. Cedar se cache, se demande si elle doit tenter de fuir vers le Canada via l'une des filières de résistance qui se déploient dans un pays qui oscille entre panique, débrouillardise et résignation. Elle écrit et à travers ses mots apparaissent d'infinis questionnements sur l'identité, l'essence de la vie, l'humanité et sa raison d'être.
C'est surtout l'ambiance créée par l'auteure qui m'a saisie et a capté mon intérêt, ainsi que la posture universelle qui consiste à ramener l'homme à l'échelle de l'univers, provoquant ainsi un torrent de questionnements quant à sa maîtrise réelle des événements. J'imagine qu'il me manque néanmoins certaines clés même si je perçois dans ce texte la crainte liée à la main-mise des groupes religieux extrémistes aux États-Unis (il y en avait dans l'entourage du dernier Président...), notamment des clés autour de la culture et de l'histoire amérindiennes que je maitrise très mal et qui sont loin de compter pour du beurre dans ce récit. Ce qui ne m'a pas empêchée d'apprécier ma lecture mais m'a laissé le sentiment de n'avoir peut-être pas perçu toute la teneur du propos de l'auteure. Cette découverte m'a donné envie de compléter mon exploration de l’œuvre de Louise Erdrich, peut-être avec un roman plus emblématique... A suivre, donc.
"L'enfant de la prochaine aurore" - Louise Erdrich - Albin Michel - 410 pages (traduit de l'américain par Isabelle Reinharez)