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Le grand jeu - Graham Swift

1 Février 2021 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Le lecteur a ses contradictions, ses ambivalences. Après tout, il est humain. Tenez, moi par exemple. J'ouvre un livre de Graham Swift parce que je veux lire du Graham Swift, j'y ai déjà goûté, ça me plaît, j'en veux encore. Et puis lorsque je l'ai terminé, je ronchonne un peu parce que c'est du Graham Swift. Du grand art, de la belle ouvrage, plaisant à lire. Mais concocté avec un procédé déjà remarqué dans Le (fantastique !) dimanche des mères et qui me laisse comme un arrière-goût de déception. Je fais peut-être la fine bouche, parce que le menu est impeccablement exécuté et que je ne peux être que satisfaite en sortant de table. Mais si j'étais inspectrice pour un célèbre guide culinaire, j'aurais envie de dire au chef que sa troisième étoile ne tient qu'à un fil, que j'aimerais être surprise, sentir la prise de risque, un souffle de renouvellement. Je m'explique.

Le grand jeu nous transporte à Brighton en 1959, station balnéaire en vogue dans ces années d'après-guerre où le divertissement y prenait ses quartiers d'été. Dans l'un des théâtres se produisent Jack Robinson (maître de cérémonie) et le duo formé par Ronnie Deane le magicien et Evie White son assistante, l'une des attractions maîtresses de la saison. La relation entre Evie et Ronnie évolue, ils se fiancent avant qu'un beau jour, Ronnie ne disparaisse sans plus donner de nouvelles. Evaporé, le magicien. Cinquante ans plus tard, alors qu'elle entame le deuil de celui qui fut son époux pendant toutes ces années, Evie se souvient encore de Ronnie et de ces quelques mois pivots dans le destin du trio. Et le lecteur est invité à remonter le temps, aux côtés de Ronnie, enfant évacué pendant la guerre et logé à Evergreen chez un couple où il découvrira la magie et en même temps une vocation, aux côtés d'Evie, jeune femme ambitieuse et plus opportuniste qu'il n'y paraît, et de Jack qui mènera une incroyable carrière d'acteur sans plus faire référence à ses débuts. 

Tout comme dans Le dimanche des mères, il est question de revenir sans cesse à l'instant inaugural, de toucher du doigt le moment clé qui influe sur les destins, avec cette construction en cercles concentriques qui me fait penser à ce tour de main indispensable pour bien mélanger des ingrédients en revenant toujours au milieu de la casserole. Mais cette fois, ce procédé a ses limites, peut-être parce que les ingrédients ne possèdent pas la force ni l'intensité dramatique du précédent roman. Ou parce que l'éparpillement entre les niveaux - la saison à Brighton, l'enfance de Ronnie, les souvenirs d'Evie - empêche de capter la colonne vertébrale de l'ensemble. C'est difficile à caractériser mais il me semble que quelque chose ne prend pas dans la construction. Reste une ambiance faite de sensations, de petites touches. De jolies pages empreintes de mélancolie sur l'art du spectacle, l'atmosphère des années 50, l'importance du rêve et des paillettes, la réalité derrière les costumes étincelants. Agréable donc, mais loin de la virtuosité et de l'intelligence du Dimanche des mères.

"Le grand jeu" - Graham Swift - Gallimard - 186 pages (traduit de l'anglais par France Camus-Pichon)

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A
Bon, comme je fais partie du clan des adoratrices du Dimanche des mères, je ne vais pas risquer la déception ! J'ai pourtant très envie de revenir vers cet auteur même si j'ai été déçue par un autre de ses titres J'aimerai tellement que tu sois là.
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N
Je n'ai pas lu grand chose, j'avais lu "Demain" qui ne m'avait pas laissé un grand souvenir avant de tomber en amour pour Le dimanche des mères. Son recueil de nouvelles "De l'Angleterre et des anglais" m'a plu même si, en y repensant, on retrouve toujours le même principe du retour à l'instant originel. Je pense que si on n'a pas lu Le dimanche... on trouve Le grand jeu tout à fait grandiose.
K
Etant donné que je n'ai pas été séduite par Le dimanche des mères, je vais laisser celui-ci de côté.
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N
Ah oui, tu fais partie de ce clan-là ;-)... Alors je pense que Graham Swift n'est pas un écrivain pour toi, malgré toutes ses qualités. De mon côté, j'y reviendrai certainement.
K
Hum, je crois que je vais l'attendre sagement à la bibliothèque... le contexte me plaît moins que dans le dimanche des mères et je craignais un peu ce que tu dis du roman.
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N
Disons que pour quelqu'un qui le lit parce qu'il a adoré Le dimanche des mères la déception risque d'être au rendez-vous. Le thème est moins fort, les références moins accessibles. C'est du grand art mais ça ne me touche pas...