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L'heure des prédateurs - Giuliano da Empoli

28 Avril 2025 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Récits

Après le fascinant récit de la montée en puissance des ingénieurs du chaos, voici venue L'heure des prédateurs. Suite logique des observations et analyses de Giuliano da Empoli, témoin privilégié des coulisses où s'activent les grands de ce monde. J'avoue qu'au milieu de ce désordre ambiant, lire que tout ceci n'a pas grand chose de nouveau est presque rassurant. Même si la référence aux Borgia ou aux récits de l'Antiquité n'a rien d'encourageant, le parallèle avec des comportements déjà observés peut permettre de rationaliser l'affaire. A condition de rester optimiste.

Dans Les ingénieurs du chaos, da Empoli invitait les politiques et dirigeants occidentaux à prendre la mesure des bouleversements de méthodes, notamment en matière de communication et à inventer de quoi les contrer pour reprendre la main ; le constat était implacable, la démonstration brillante. Dans la classe politique, beaucoup ont exprimé leur admiration mais personne ne semble avoir pris le sujet à bras le corps. Or, comme nous le montre clairement l'auteur ici, dans ce monde de prédateurs, seule l'action compte, nous en sommes témoin au quotidien. Il décrit parfaitement la dynamique à l’œuvre, qui ne s'embarrasse ni d'égards ni de finesse mais jusqu'à un certain point on se dit que le rouleau compresseur est peut-être encore arrêtable. Jusqu'au chapitre qui fait intervenir les nouveaux conquistadors de la tech et de l'intelligence artificielle. Et là, malgré un parallèle amusant avec la Révolution russe, c'est vraiment flippant.

Dans une interview récente, l'auteur dit son admiration pour Benjamin Labatut, auteur du brilliant Maniac ; il n'est pas très étonnant de le trouver ici sur la même longueur d'onde face à nos comportements naïfs et irresponsables devant la déferlante IA. Depuis ma lecture de Ravage à l'adolescence, je refuse de me laisser gouverner par les machines. J'apprécie les progrès technologiques mais je veux que cela reste des propositions d'outils que je décide ou pas d'utiliser. Je veux garder mon pouvoir sur la machine, d'où mon refus de confier mon itinéraire à un GPS. Je veux continuer à utiliser mes neurones, plutôt entraîner les miens que ceux d'une machine. Et d'après l'auteur, c'est exactement la question qui se pose déjà à l'humanité dans ce siècle : "Dans quelle mesure nos vies doivent-elles être soumises à de puissants systèmes numériques - et à quelles conditions ?" A force de déléguer notre intelligence, quelle sorte de petit pois restera-t-il dans nos crânes ?

Nous ferions bien de ne pas en rire et de traiter le sujet dans toute sa complexité. S'il en est encore temps.

"L'heure des prédateurs" - Giuliano da Empoli - Gallimard - 152 pages 

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V
Après Labatut et Da Empoli, il ne te manque vraiment plus que le dernier Powers pour compléter le tout ! ;-)
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N
Ce sera bientôt le cas 😉
D
C'est drôle parce que le livre parle en effet de ce sujet - aussi, je dirais. Mais ce n'est pas ce que j'en ai retenu. Et ce que tu évoques me fait davantage penser à celui d'Alain Damasio, Vallée du silicium. Je suis certaine qu'il t'intéresserait ;-)
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N
Je n'en ai pas retenu que ça mais c'est effectivement un sujet qui me préoccupe depuis toujours.
K
Son précédent livre, qui a eu beaucoup de succès, je ne l'ai pas lu (beaucoup emprunté à la bibli, alors j'oublie ^_^) Bah je devrais pouvoir m'en passer... J'ai abandonné Ravage, maintenant je coupe de plus en plus la radio, je n'ai pas la télé, et le GPS, ben non, pour l'instant mon cerveau s'en tire.<br /> Mais merci de parler de ce livre, même si je n'ai pas tout compris, là mon cerveau n'est plus au top. ^_^
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N
da Empoli a été conseiller politique en Italie et fin observateur des coulisses de ce petit monde dont il tire des essais très éclairants, et intéressants pour les références érudites qui les émaillent. Les ingénieurs du chaos montrait ce qui était derrière la montée des populismes, notamment via les réseaux sociaux ; l'heure des prédateurs en est la suite logique... Le mage du Kremlin (je pense que c'est celui auquel tu fais référence) est lui un roman mais très inspiré de la vie d'un conseiller de Poutine. Après, je comprends aussi l'option grotte, c'est plus reposant :-)