Le butor étoilé - Sigolène Vinson
22 Avril 2025 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans
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"Rien ne presse". Ce sont les mots qui nous accueillent, seuls sur une page, invitation à ralentir, à s'extraire du vacarme du monde et des bruits de la ville, à tomber le costume ; s'alléger pour entrer dans l'univers de la fille de l'étang. Elle ne dit pas son nom mais on la connaît un peu, on l'a déjà croisée sur les rives, tout en bas dans le sud occupée à pêcher la palourde, rêver à l'ingénieur et à "tromper la mort, à moins que ce ne soit la vie". On l'a connue écrasée de chaleur, gorgée de soleil, la revoici desséchée par le vent, la peau écorchée par le sel. Toute à sa nouvelle obsession : guetter l'apparition du butor étoilé. Le retour de cet oiseau rare serait une bonne nouvelle pour la poignée d'observateurs attentifs éparpillés selon une règle précise de triangulation du marais. De quoi cette attente est-elle le nom ? C'est tout l'objet de cette histoire qui tient autant du rêve que du naturalisme, de l'observation que de l'imagination.
Le vent donne le ton. Il fouette les visages, couche les roseaux, porte les sons et les embruns. Les effluves de terre et de mer. Les mots aussi. Entre le village de l'hippocampe et celui du loup, entre la fille de l'étang et l'homme de la colline qui n'est pas tout à fait celui auquel elle pense écrire. Qu'importe la bouche pourvu qu'il y ait l'ivresse d'un baiser. Un souffle vital. "Les mots nous transforment quand on les reçoit" et le vent accompagne les métamorphoses autant que les quêtes. La jeune Dedou a disparu, le butor étoilé se fait attendre, un loup rôde, l'atmosphère imprime sa marque jaune dans les yeux et sur les peaux. "Tous les drames se valent"... Peut-être. Celui de la fille de l'étang est indicible, sauf à la faune et à la flore seuls aptes à amortir la violence, à la dissoudre dans un terreau redevenu fertile. Le vent est mouvement. Il secoue les corps et charrie la matière, les humeurs et les mots. Accélère la métamorphose. Autour de la douleur ancrée à jamais, au milieu d'un écosystème voué à renouveler indéfiniment le miracle de la survie, lentement la terre renaît, gorgée de toutes les larmes.
Il n'y a sans doute rien de plus beau que la poésie de l'étang pour dire le fragile équilibre entre la vie et la mort, à peine un souffle entre chagrin et éblouissement. Murmurée par la nymphe des marais ça ressemble à une précieuse offrande.
"Le butor étoilé" - Sigolène Vinson - Le Tripode - 192 pages
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