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Le syndrome de l'Orangerie - Grégoire Bouillier

24 Octobre 2025 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Immergée à la suite du détective Bmore (double ou alibi de l'auteur, déjà utilisé si j'ai bien compris) (c'est bien pratique), j'ai beaucoup pensé aux dernières expos visitées et à tous ces gens qui passent trois secondes devant chaque toile, le temps d'une photo (j'y étais) (j'avoue, je l'ai fait aussi). Ils ne savent pas ce qu'ils ratent en ne prenant pas le temps de ressentir ce qu'une œuvre porte en elle, ce qu'elle a à transmettre (encore faudrait-il pouvoir le faire dans la foule agglutinée, ça devient du luxe de se retrouver seul devant une toile) (ça m'est arrivé, il y a fort longtemps, mais c'est une autre histoire). Comme ces Nymphéas, archi connus qui provoquent ici un drôle de malaise à celui qui décide d'en élucider le mystère et les raisons. Un simple bassin fleuri ? Que nenni.

La démonstration qui suit pousse très loin l'exploration de la vie de Monet et les recoupements et autres associations d'idées en tout genre ; et ça se tient. Même si l'auteur tente parfois de réfréner ses ardeurs : "Okay, j'imagine, j'affabule, je donne aux Nymphéas les contours de mon propre chaos, y infuse mes propres hallucinations..." ; peut-être, mais ça se tient. L'implication acharnée de l'enquêteur accroche même des sourires à la mine perplexe du lecteur. Il y a quelque chose de brillant dans la manière de décortiquer le potentiel d'une œuvre d'art face à la superficialité de nos regards souvent distraits, pris par le temps. De creuser ce mélange de vie et de mort né de l'expérience personnelle de l'artiste et forcément présent dans son travail. L'expérience devient intense lorsqu'elle offre d'explorer la porosité du beau et du laid à travers le parallèle osé entre les visites des jardins de Giverny et du camp d'Auschwitz-Birkenau à quelques jours d'intervalle ; osé mais convaincant car le malaise qui en découle n'a rien de gratuit, dit beaucoup de notre société. Ce fut le moment fort de ma lecture.

Pendant 350 pages j'ai marché. Je savais à quoi m'attendre côté digressions et bien que plutôt calée sur la vie et l’œuvre de Monet j'ai suivi les déductions du narrateur avec un certain amusement. Et puis tout d'un coup la lassitude m'est tombée dessus. Trop de parenthèses. Trop de points d'exclamations. Trop de points d'interrogation. Trop de petites bêtes fouillées à l'os pour faire le lien. Tout ceci finissait par ressembler à du stand-up. OK pour que l'artiste se peigne aussi lui-même (dixit Francis Bacon) mais lorsqu'il ramène trop sa fraise moi ça me fait sortir du jeu. La forme a fini par engloutir le fond qui avait pourtant bien capté mon attention pendant les deux tiers du livre. L'auteur est d'ailleurs conscient du risque même s'il avoue être incapable de se corriger. 

Pour ces raisons je ne suis pas sûre de retenter l'expérience Grégoire Bouillier mais je suis contente d'avoir vécu celle-ci, très en phase avec nombre de réflexions et de questionnements de l'auteur. On ne perd jamais son temps à explorer l'art, le geste artistique et son rapport à la société.

"S'il y a une vie après la mort, elle est dans les livres, elle est dans la peinture, elle est dans les arts. Nulle part ailleurs."

"Le syndrome de l'Orangerie" - Grégoire Bouillier - J'ai lu (Flammarion) - 540 pages 

 

 

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K
Bonjour<br /> j'ai lu en premier Le cœur ne cède pas, qui fait quasiment le double de celui-ci, et j'ai énormément apprécié.<br /> J'ai ensuite lu le syndrome de l'Orangerie, et j'ai assez vite compris même si j'ai été jusqu'au bout que je n'aurais pas dû. <br /> Toutes les qualités du premier - dans un édifice en équilibre bien maîtrisé - sont hélas devenues défauts, ficelles et redites dans le suivant. Dommage.
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N
J'imagine qu'à force le procédé peut lasser, mais comme c'était mon premier je ne peux pas savoir si j'aurais apprécié l'un de ses autres textes et j'avoue ne pas être très chaude pour une nouvelle tentative...
V
Un auteur qui ne m'attire pas du tout. Il me donne l'impression de se regarder écrire. Et puis le trop de parenthèses, on connaît avec Jaenada.
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N
C'est aussi ce qui m'a retenue jusqu'à présent et c'est le thème de celui-ci ainsi que la rencontre avec Bouillier au Mans en 2024 qui m'ont incitée à tenter l'expérience. Apparemment tout le monde fait la comparaison avec Jaenada (qui m'a amusée un temps avant de me lasser)
Z
J'aimerais aller visiter les jardins de Giverny, mais j'ai tant peur d'être déçue que je recule et plus je recule plus j'en rêve !!!
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N
Le problème c'est la foule... C'est aussi ce qui m'a retenue pendant longtemps. J'ai fini par y aller, c'est une chouette visite mais impossible d'éviter le monde... et j'avoue que faire la queue autour de l'étang peut ôter beaucoup de poésie à la chose.
D
Bon, quant à moi, tu sais ce qu'il en est, j'ai trouvé ce livre grandiose et j'ai ensuite enchaîné avec d'autres oeuvres de l'auteur ;-)<br /> Ceci dit, je comprends qu'on puisse ne pas adhérer. Ou se lasser. C'est une expérience, et je suis ravie de voir que tu ne regrettes pas de l'avoir tentée.
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N
Oui, et tu n'es pas pour rien dans ma tentative... Aucun regret bien au contraire 🙂
C
Je ne suis pas sûre d'adhérer, mais je tenterai tout de même l'expérience Bouillier par curiosité, sans doute avec ce roman dont le thème me parle.
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N
C'est aussi le thème qui m'a incitée à tenter l'expérience car j'avais les mêmes craintes que toi. À suivre donc 😉
A
Ha mince, moi, j'ai marché jusqu'au bout ... en courant même ... C'est vrai que les liens sont de plus en plus tenus, mais en fait, ça m'a fait sourire et j'étais même assez admirative du bricolage de l'auteur !
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N
Oui, c'est sa marque de fabrique, et je suis satisfaite d'avoir enfin expérimenté.
K
J'ai fini par comprendre la raison de toutes ces parenthèses chez toi, ah oui, Bouiller. Ce n'était pas mon premier livre de l'auteur, je connaissais donc ce couple d'enquêteurs pour rire (hélas u n seul ici) . Bon, c'est Bouillier, moi j'aime beaucoup sa sorte de folie maitrisée quand même.
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N
Je suis contente d'avoir saisi l'occasion de ce thème pour faire connaissance avec sa plume. Ce fut intéressant mais je crois que je manque de patience pour ces petits jeux à présent.