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La cache - Christophe Boltanski

21 Août 2015 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans, #Coups de coeur

La cache - Christophe Boltanski

Passionnant, intelligent, remarquablement construit : ce roman m'a captivée. Peut-être parce que la famille Boltanski - ou faut-il parler de tribu ? - porte en elle des gènes éminemment romanesques. Peut-être aussi parce que l'auteur utilise ici son savoir-faire d'excellent journaliste reporter pour mener l'enquête et tenter de restituer l'alchimie subtile qui a abouti à la construction de cette famille hors du commun. Sûrement également parce que l'idée de faire parler les murs de la maison qui les a abrités (et le mot est ici particulièrement juste) permet d'aboutir à un résultat aussi original que séduisant.

C'est donc à une visite que nous convie Christophe Boltanski. Celle de la maison de ses grands-parents, rue de Grenelle. Etienne et Marie-Elise, appelée aussi Myriam mais on verra que la question de l'identité est assez centrale dans ce livre. Un fils d'émigrés juifs russes ayant fui les pogroms à la toute fin du 19ème siècle et une fille de famille de la bourgeoisie bretonne, offerte en cadeau à une parente isolée pour lui servir de fille et d'héritière. Un couple soudé, que rien ne séparera, ni les guerres, ni la polio contractée par Marie-Elise à trente ans et qui la laissera définitivement handicapée. Un couple qui envisage sa maison comme un cocon qui les isole de l'extérieur et les protège.

De pièce en pièce, l'auteur redonne vie à cette famille, faisant surgir des scènes, des dialogues, des instants de vie et des moments de drame. Il compare son travail d'enquête au jeu du Cluedo, petit clin d’œil à la difficulté souvent rencontrée pour reconstituer l'histoire, ainsi qu'aux secrets qu'ont parfois abrités les pièces. Car si le couple ressent le besoin de créer un refuge, c'est qu'il y a danger (l'antisémitisme, puis les rafles pendant la guerre) et Etienne, bien que converti au catholicisme dans les années 30 reste dans le collimateur des occupants en 1943. Une période évoquée lorsqu'on arrive à la petite pièce baptisée "entre-deux" dans laquelle une cache a pu être aménagée, permettant à Etienne, empêché d'exercer la médecine et menacé d'arrestation de se cacher jusqu'à la libération de Paris.

On est à la fois époustouflé par la curieuse manière de vivre de la tribu Boltanski (enfants déscolarisés, désir tellement fort de ne pas être séparé que tout le monde dormait dans la même pièce, peu d'attention accordée aux repas ou au ménage...) et curieux de constater comment ce climat, véritable terreau de créativité a abouti à générer autant de talents intellectuels et artistiques (Luc, sociologue et Christian, plasticien sans oublier l'activité littéraire de Marie-Elise elle-même).

Et puis il y a cette question de l'identité, un fil rouge qui donne sens à ce roman. Car l'auteur s'interroge sans cesse sur la réalité de ces gens qui forment sa famille et dont les origines sont sans arrêt remises en question. C'est ce qui arrive lorsque l'on doit fuir, maquiller son identité pour échapper au pire. Fausses identités, fausses déclarations, faux certificats... A quoi se fier ? Aux romans écrits par sa grand-mère, hautement autobiographiques ? Mais dans quelle mesure ?

J'ai pris un énorme plaisir à cette visite riche en émotions et en images sur pratiquement un siècle. Depuis la Fiat 500 où tout le monde s'entassait (toujours pour éviter d'être séparés) jusqu'au salon, théâtre de la vie sociale de cette famille pas comme les autres, en passant par les lieux plus intimes (chambre, salle de bains, bureau) propices à creuser plus avant les caractères et les personnalités de chacun. Sans oublier le grenier et ses jeux d'enfants. Mais c'est peut-être la visite de la cuisine qui m'a le plus touchée avec cette réflexion qui relie identité et nourriture. "Elle qui ne mangeait rien nous transmettait une tradition culinaire pour solde de tout compte. Pas de folklore exotique, pas de coutumes à respecter, pas de langue rare à sauver de l'oubli, pas de culture ancestrale à entretenir par-delà les frontières. Juste des recettes. Une nourriture qu'il fallait qualifier de "russe" pour ne pas dire juive."

Passionnant, intelligent, remarquablement construit. Quoi ? Vous n'êtes pas encore chez votre libraire pour en quérir un exemplaire ?

"La cache" - Christophe Boltanski - Stock - 335 pages

La cache - Christophe Boltanski

Et de 2/68 !

Voir également l'avis de Denis (les lectures du hibou) et d' Eimelle

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J
Un récit très bien construit. Une drôle de tribu.<br /> Prix Fémina bien mérité pour ce premier roman.
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N
Oh oui. C'est vraiment l'un de mes préférés de cette rentrée parmi les premiers romans. Une réussite !
E
une sacré famille en effet!
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N
Oui, et un livre remarquable !