En attendant Bojangles - Olivier Bourdeaut
Il y a d'abord eu quelques chroniques de blogueurs, tous sous le charme. Et puis une sorte de déferlante médiatique, presse, radio, TV... Pour un premier roman, tout ce bruit, c'est déjà un gros succès. Et vous savez quoi ? Il le mérite amplement. En attendant Bojangles est assurément la petite pépite de ce début d'année, un vrai bon moment de lecture rythmé par des sourires, de l'émotion, des larmes, une sorte d'allégresse mélancolique. Vous savez, cette mélancolie qui naît lorsque l'on contemple quelque chose que l'on aurait bien voulu vivre, mais que l'on n'oserait peut-être pas. Tout simplement parce qu'on n'est pas assez fou.
Oui, c'est de folie dont on parle. Une folie douce, joyeuse, qui repeint la vie en rose. Et surtout un amour fou, celui d'un couple qui refuse le gris, la routine ou l'ennui. Dans la bouche du narrateur, l'histoire de ses parents, vue à hauteur d'enfant a tout du rocambolesque de la fable inventée. Mais les carnets tenus par le père sont là pour confirmer la réalité de cette vie parallèle. Le personnage de la mère apparaît d'abord comme une délicieuse excentrique, préférant que son fils lui invente des mensonges pour rendre ses comptes rendus journaliers plus amusants que la réalité vécue à l'école. Elle vouvoie, elle danse, elle saute sur les lits, elle chante et entraîne tous ceux qui la côtoient dans une fête permanente. Aidée en cela par son mari, Georges, raide dingue amoureux et bien décidé à se transformer en Monsieur Loyal des journées de sa femme. Il lui invente un nouveau prénom chaque jour (du coup, on ne connaît jamais le vrai), s'arrange pour devancer ses moindres désirs et lui permettre d'inventer une vie totalement irréelle et très loin des contingences matérielles. Leur point de ralliement c'est la chanson de Nina Simone, M.Bojangles qui passe en boucle à la maison. Leur animal domestique est une grue de Numidie baptisée Mademoiselle Superfétatoire. Et puis un jour, la folie douce dérape, la réalité les rattrape... Mais l'amour, lui, reste fou.
En attendant Bojangles, c'est l'anti Profession du père de Sorj Chalandon. Les deux mettent la folie d'un parent et les mensonges au cœur de la vie d'un enfant. Chez Chalandon, (très beau livre par ailleurs) on avait droit à la version triste et dangereuse, voire destructrice. Ici, Olivier Bourdeaut nous offre la gaîté, la fête, la lumière, un déséquilibre, oui, mais tellement vivant qu'on en regretterait presque d'être trop raisonnable. Bien sûr, il faut laisser son bon sens et sa raison de côté et se laisser entraîner dans cette danse sans fin. Mais que ça fait du bien !
Je laisse le mot de la fin à Jérôme Garcin qui dans une chronique pour L'Obs du 7 janvier dernier a à mon sens trouvé l'expression parfaite : "Dans une prose chantante, Olivier Bourdeaut fait sourire les larmes et pleurer l'allégresse. Il mérite le succès qui va fondre sur cette fable extravagante et bouleversante". Pas mieux !
"En attendant Bojangles" - Olivier Bourdeaut - Finitude - 160 pages
En course pour les 68 premières fois édition 2016 et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il séduit les lecteurs notamment Henri-Charles Dahlem et Bénédicte Junger