Les oracles - Margaret Kennedy
23 Avril 2024 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans
Depuis le temps que j'entends parler des rééditions des romans de Margaret Kennedy (1896-1967), le moment est enfin venu de me frotter à sa plume caustique (tout ce que j'aime) passée maîtresse dans l'art de croquer les travers de la bourgeoisie anglaise (tout ce que j'aime, bis).
Me voilà donc transportée dans les années 50 dans la petite ville de Summersdown, sur le canal de Bristol au moment où un gigantesque orage pétrifie ses habitants et illumine les rues de ses éclairs. La foudre choisit le jardin de Conrad Swann, un artiste dont la petite renommée fait la fierté de la ville, pour s'abattre sur une vieille chaise en ferraille que les enfants utilisaient pour grimper dans leur arbre-refuge. Il se trouve que Swann était sur le point de dévoiler au public un Apollon qu'il devait présenter à un concours ; mais après l'orage, l'artiste est introuvable et par un jeu de circonstances que chaque lecteur appréciera, la chaise foudroyée est prise pour l’œuvre en question. Je vous vois déjà sourire, surtout si comme moi vous avez souvent une expression perplexe (pour rester polie) en visitant les salles d'un musée d'art contemporain. Margaret Kennedy, elle, s'en donne à cœur joie.
Cet orage et ses conséquences lui permettent de plonger avec ironie et une certaine férocité dans l'exploration de la petite société qui gravite autour de l'artiste, depuis les proclamés experts en arts, jusqu'aux amateurs éclairés dont le scepticisme paraîtrait trop louche pour être exprimé. Comme souvent, les apparences sont trompeuses et l'autrice n'hésite pas à démasquer ceux qui se disent de la bonne société et montrent par leur comportement un visage assez hideux. La radiographie est complète et sans pitié, le lecteur est invité dans les coulisses et les conversations les plus privées qui donnent un aperçu de la réalité des relations de couple, du sentiment maternel de certaines ou des priorités des uns et des autres. Sans oublier d'interroger sur la célébrité et ses implications, pour l'artiste et celles et ceux qui veulent profiter de sa lumière.
Promesses tenues, cette comédie grinçante et parfaitement menée n'épargne personne et ne peut que ravir les amateurs de piquant britannique. Quant aux sceptiques de l'art contemporain, ils trouveront ici de quoi jubiler.
"Les oracles" - Margaret Kennedy - La Table Ronde/Quai Voltaire - 362 pages (traduit de l'anglais par Anne-Sylvie Homassel)
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