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L'ombre de nos nuits - Gaëlle Josse

10 Janvier 2016 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans, #Coups de coeur

L'ombre de nos nuits - Gaëlle Josse

Ouvrir un nouveau livre de Gaëlle Josse provoque un délicieux petit frisson mêlant impatience et plaisir. Roman après roman, après seulement quatre publications, une sorte de ferveur unit un nombre croissant de lecteurs conquis, désireux de retrouver la musicalité de ses phrases et la précision de ses mots, de se laisser happer, caresser… Ce cinquième roman risque d’amplifier le phénomène, c’est un vrai bonheur. Déjà lu deux fois pour mieux en explorer les méandres, en saisir toutes les subtilités. Car il y a dans L’ombre de nos nuits, en plus du charme habituel, une sacrée ambition.

Il suffit d’étudier le titre et l’épigraphe – « Donne toujours plus que tu ne peux reprendre. Et oublie. Telle est la voie sacrée (René Char) » - pour savoir que c’est bien d’amour dont on va parler. L’amour sous sa forme la plus accomplie, celle du don de soi. L’amour, la solitude, l’exploration de l’intime sont des thèmes récurrents dans l’œuvre de Gaëlle Josse. On connaît aussi son goût pour les arts (musique, peinture, littérature) qui irrigue ses pages et sert souvent de fil conducteur à la trame narrative. On sait également son inclination à explorer le passé pour le mettre en parallèle avec le présent.

Toutes ces influences convergent dans L’ombre de nos nuits pour livrer au lecteur un subtil jeu de miroirs aux multiples facettes par-delà les époques. Un jeu d’ombres et de lumières, tout droit sorti de la palette d’un peintre.

« Comment un peintre aborde-t-il un sujet ? Comme un nouvel amour ? Collision frontale ou lente infusion ? La claque ou la pieuvre ? Le choc ou la capillarité ? Plein soleil ou clair-obscur ? Toi, tu m’avais éblouie. Ensuite, je me suis aveuglée ».

De nos jours, devant le tableau de Georges de La Tour, Saint Sébastien soigné par Irène (en couverture du livre), la narratrice est soudain renvoyée au souvenir d’une souffrance amoureuse qu’elle pensait avoir remisée bien loin dans son esprit. Le regard que porte Irène sur l’homme qu’elle soigne lui semble refléter l’amour le plus total, le plus absolu. Tandis qu’elle revit cette histoire, décortique les étapes de la passion amoureuse qui l’a tenue presque prisonnière et remonte jusqu’aux failles de son enfance, le lecteur se voit proposer un voyage parallèle au cœur de la genèse du fameux tableau.

Le regard d’Irène qui bouleverse tant la narratrice, c’est celui de Claude, la propre fille de Georges de La Tour qui lui demande de penser à ce qu’elle aime le plus au moment de la pose… Nous sommes au XVII ème siècle, en Lorraine alors dévastée par la guerre de trente ans. L’atelier du peintre fait figure d’oasis de calme et de beauté. Là se côtoient Etienne, le fils, Diane, l’épouse et Laurent l’apprenti chargé de réaliser une copie de la toile lorsqu’elle sera achevée. Dans cet atelier, Gaëlle Josse nous offre un magnifique jeu de regards, celui du peintre qui influence ce qu’il restitue, celui de Laurent sur Claude, et celui de la jeune fille, tendu au loin, plein de ferveur amoureuse. Et nous projette avec des mots de toute beauté et d’une folle sensualité au cœur du processus de création en peinture.

« Je n’ai qu’un peu de beauté à offrir au monde, celle du tremblement d’une flamme dans la nuit. Peut-être est-ce dérisoire, mais c’est mon seul talent. Je ne veux plus peindre à la lumière du jour, qui ne sait éclairer que terreur et désolation ».

Toutes ces pages ne sont que finesse et sensibilité, justesse de l’évocation du sentiment amoureux, quelle que soit l’époque. On y parle d’acceptation de la souffrance, d’humilité, d’effacement pour le bonheur de l’autre. Du pouvoir d’un regard. De ce que l'on voit et de ce que l'on choisit de ne pas voir. D'aveuglement. Chaque mot est choisi avec soin et chaque nouvelle lecture révèle une facette supplémentaire, à la manière d’un kaléidoscope.

Encore une fois, la magie opère, la plume de Gaëlle Josse séduit, touche, emporte. Non, décidément, on ne s’en lasse pas.

"L'ombre de nos nuits" - Gaëlle Josse - Notabilia - 196 pages

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I
J'ai moi aussi été sous le charme de ce roman tout en finesse et en sensibilité. J'avais envie d'en lire des passages à haute voix tant l'écriture est belle... mon chat a beaucoup apprécié, semble-t-il :-)
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N
Ravie de partager ce plaisir de lecture ! Les chats vont d'instinct vers ce qui est doux et beau... le mien ne s'y est pas trompé non plus ;-)
L
Quelle belle chronique !!! Ce livre est absolument magnifique !
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N
Merci Ludivine ! C'est toujours agréable de partager un plaisir de lecture. Ce livre est en effet magnifique, d'une délicatesse rare.
C
mon compte bancaire agonise :)
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C
Arghhhhh, je veux le lire !!!!
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N
Un petit tour à la librairie ? On a tellement envie de le conserver qu'il vaut mieux avoir son propre exemplaire... :-)