Nuit de septembre - Angélique Villeneuve
Ce livre est un trésor. Un concentré de pudeur, de dignité, d'humanité et surtout d'amour. Un amour si fort, si pur qu'il permet de dépasser sa propre souffrance, de ne pas condamner mais au contraire de comprendre. Et de célébrer la vie, malgré le drame, malgré l'impuissance, malgré le choix de celui qui a préféré fuir. Avec ce récit poignant mais toujours digne, l'auteure montre aussi le pouvoir des mots qui réconfortent, qui soignent, qui permettent de se raccrocher à la vie, au beau, à l'avenir.
Cette Nuit de septembre, le fils de la narratrice âgé de 21 ans a choisi de mettre fin à ses jours. Pourquoi ? Nous ne le saurons pas, la lettre qu'il a laissée à ses parents leur appartient et le sujet n'est pas là. Il s'agit plutôt de vivre l'après. De trouver les ressources, d'assumer son rôle auprès de ses deux autres enfants. L'auteure trouve dans l'écriture, qui est déjà son métier, son quotidien, le moyen de poser ses émotions et peut-être de les analyser avec un peu de distance, impression renforcée par l'utilisation de la deuxième personne du singulier. Elle dit l'après. Les formalités à accomplir, la vie autour qui ne s'arrête pas, l'impression de tout ressentir avec une acuité multipliée par cent, le regard des autres, leur peur du mauvais geste, du mot de travers...
"Car tu n'es plus un auteur, une amie, une voisine, le membre d'une parentèle, tu n'es même plus une femme. Tu es la mère d'un suicidé, la mère d'un enfant mort, tu n'es qu'un torrent noir aux rives affolantes. Rien d'autre."
Mais elle dit aussi la renaissance. Elle pour qui les mots sont si importants souffre du manque d'un mot pour désigner précisément sa situation. "Orpheline d'enfant ça ne se dit pas. Rien n'existe dans la langue française pour dire ce que tu es".
Si ce récit est empreint de lumière c'est avant tout par la volonté de cette mère d'avancer. De chercher à prolonger l'empreinte de son fils plutôt que de s'enfermer dans un mausolée. Malgré la douleur des premières fois "sans", malgré la boule qui ne quitte pas ses entrailles. A chaque page elle célèbre la vie dans laquelle elle puise ses ressources, et surtout le beau, les belles choses qui la rattachent à son existence.
Ce récit m'a bouleversée. Par sa justesse, sa sobriété, sa volonté de trouver l'expression exacte. Un témoignage à haut pouvoir de réconfort et surtout, un très bel objet littéraire. Superbe.
"Nuit de septembre" - Angélique Villeneuve - Grasset - 156 pages