Moro-sphinx - Julie Estève
C'est fort la littérature. Ça vous surprend, ça vous bouscule, ça vous touche, ça vous marque. C'est peut-être à la trace qu'elle laisse que l'on reconnaît la promesse d'une nouvelle écriture. Prenez ce Moro-sphinx. Le sujet n'avait pas grand-chose pour me plaire, l'histoire de cette trentenaire qui consomme les hommes plus vite que son ombre et leur coupe un ongle une fois la chose faite. Je l'ai commencé à reculons, et très vite, il m'a happée.
C'est un sacré choc ce premier roman. Déstabilisant, éreintant. Un début inquiétant, qui fait très peur et puis peu à peu, la puissance de l'écriture agit, l'héroïne prend corps, la folie est toujours latente mais les clés de compréhension apparaissent. Certes, Lola est psychologiquement assez chargée, constamment sur un fil, on la suit entre fascination morbide et inquiétude terrifiante. Lorsque les racines de son déséquilibre affectif se font jour peu à peu alors l'empathie affleure également. Cette femme qui trouve refuge dans le sexe sans sentiments, pourquoi se punit-elle ? Que cherche-t-elle à expier ? A oublier ? L'amour, la tendresse seront-ils un remède ?
Par la magie de son écriture, Julie Estève nous fait toucher du doigt le vide affectif qui a mené au déséquilibre émotionnel de Lola, à son enfermement dans une spirale destructrice. On finit par la comprendre, Lola, par souhaiter que cette relation amoureuse qui se dessine, cette relation normale faite de tendresse plus que de sexe parvienne à l'apaiser, enfin. Mais peut-il être question de raison ou de normalité dans sa vie ?
"Comment fait-on pour être seule à ce point ? Il n'y a plus d'amour, il n'y a que des souvenirs. Comment fait-on pour vivre comme ça ? On devient un animal errant, ou un taudis, une maison à l'abandon, vide et insalubre, squattée par des fantômes qui traversent les murs. C'est irrespirable d'habiter là-dedans. C'est pas humain. C'est pas humain d'avoir personne. Personne. Personne qu'un père ivrogne".
J'ai été captée par ce roman, j'aurais pu rester en dehors d'une histoire un peu hard mais c'est vraiment le style et l'écriture qui m'ont gardée en alerte constante. Et je ne parle même pas de la fin, magistrale, une fin à vous titiller les méninges pendant un moment.
Pour toutes ces raisons, on a très envie de faire connaître ce premier opus et encore plus de découvrir la suite de la production de cette nouvelle auteure.
"Moro-sphinx" - Julie Estève - Stock - 180 pages
En course pour les 68 premières fois, il a déjà beaucoup impressionné Virginie. Et ce n'est que le début de son voyage.