La rentrée n'aura pas lieu - Stéphane Benhamou
En ce jour de rentrée scolaire, imaginez... Que se passerait-il si les aoûtiens décidaient de ne pas prendre le chemin du retour ? A partir de ce contre-pied humoristique, l'auteur dresse le tableau d'une société qui s'interroge face aux injonctions du bonheur au travail ; il utilise ce mouvement hautement symbolique et si proche de ce que chacun a pu ressentir au moins une fois dans sa vie (ne pas vouloir rentrer) pour observer les réactions (patrons, experts, milieux financiers, opportunistes, gouvernants, révolutionnaires...) et mieux pointer du doigt les excès de notre modèle basé sur le travail. C'est drôle, grinçant et ça pourrait même inviter à méditer...
Donc, en cette fin de mois d'août, alors que les prévisions de Bison futé prévoient "du noir dans le sens des retours", rien. La circulation est fluide, les barrières de péage désertes. Les aoûtiens sont restés sur leurs lieux de villégiature. Un mouvement non concerté, tranquille, paisible. Mais qui provoque des interrogations au sein du gouvernement. "Absence, amollissement, accablement, déliquescence, c'est du burn out ou une révolution ?".
Pour tenter de comprendre, on décide de dépêcher Michel Chabon, un fonctionnaire du Ministère des Transports à Moustiers, l'un des hauts lieux de résidence des aoûtiens où il a pour mission de rejoindre l'une de ses collègue, Martine, visiblement intégrée au mouvement. Pour cet employé tranquille, écrivain manqué, chargé d'écrire les messages qui s'affichent sur les panneaux lumineux des autoroutes, c'est une aventure inédite avec comme un parfum d'école buissonnière.
Dans le sud, sur les plages et dans les résidences locatives, on se bouscule, on s'entasse comme on peut. Les vacanciers de septembre trouvent la place déjà occupée. "A présent, avec leurs occupants réguliers revenus, qui s'ajoutaient aux vacanciers qui ne partaient pas, les agréables villégiatures du mois d'août avaient tout des appartements communautaires des temps soviétiques".
Mais que veulent-ils à la fin ces aoûtiens qui se contentent de dire lorsqu'on leur explique qu'il faut rentrer "Je préfèrerais ne pas rentrer pour l'instant", à la manière d'un Bartleby ? Sont-ils conscients qu'ils mettent le feu au pays ? Le gouvernement est en stand-by, les voix des opposants prennent des tons de plus en plus durs pour fustiger ces inconscients, ces fainéants qui refusent d'assumer leurs tâches, cette bande d'assistés... Ça vous rappelle quelque chose ?
Deux thèmes transparaissent alors et font tout l'intérêt du livre. Le premier, c'est le parallèle proposé entre la gestion de cette crise (afflux de population, pénuries d'eau et de nourriture dans des zones trop petites...) et celle des migrants. Ce sont les mêmes mécanismes qui s'exercent, les mêmes voix excluantes qui s'expriment violemment et envisagent les pires extrémités. Le second, c'est la question de notre relation au travail. Ce volet-là est beaucoup plus amusant avec son bataillon d'experts en ressources humaines et en psychologie du travail venus au chevet de cette France en situation de burn-out géant. Et si les signes avant-coureurs avaient échappé à tout le monde ?
Je l'ai déjà dit mais j'aime bien quand un auteur offre un nouvel angle de vue pour éclairer notre monde. Et quand il le fait avec le sourire, sans négliger son but, je passe un bon moment. Et je conseille ce livre bien sympathique à tous ceux qui ont pensé, hier ou avant-hier que non, vraiment, ils préfèreraient ne pas rentrer pour l'instant.
"La rentrée n'aura pas lieu" - Stéphane Benhamou - Don Quichotte - 170 pages
Dans le second volet de la sélection 2016 des 68 premières fois, ce livre va voyager auprès des 70 lecteurs participant à l'opération.