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Le Grand Jeu - Céline Minard

5 Septembre 2016 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Le Grand Jeu - Céline Minard

J'ai joué et j'ai perdu. Jusqu'ici, aucun roman de Céline Minard ne m'avait tentée malgré les louanges et les prix. Mais ce thème, une femme qui décide de s'isoler et de vivre en autarcie loin du monde et de ses paillettes a suffisamment éveillé ma curiosité pour que je franchisse le pas. Non, pour être honnête, c'est l'entretien avec l'auteure relaté sur trois pages dans Télérama qui m'a définitivement convaincue.

Sauf que... Sauf que je me suis faite une idée fausse de ce livre. Je l'ai imaginé bien autrement qu'il n'est en réalité. Je ne m'attendais pas à cette approche si intellectuelle. Je ne m'attendais pas non plus à ces longs descriptifs liés à l'alpinisme... Alors en refermant le livre, je suis restée perplexe. Consciente de l'intelligence du propos, mais totalement hermétique à ce que je venais de lire. Peut-être parce que le cérébral prend le pas sur l'émotion, éloignant toute possibilité d'empathie.

C'est une sorte de misanthropie qui a mené la narratrice à se retirer du monde et à tenter une expérience, un Grand Jeu comme elle le nomme. Elle a fait construire un refuge de montagne high tech, autonome en énergie et entreprend d'y vivre seule, avec quelques provisions, du matériel de montagne et de bricolage, de quoi cultiver quelques arpents de terre et produire ce dont elle a besoin.

"J'ai investi cet environnement et ces conditions qui me permettent de n'être pas dans l'obligation de croiser tous les matins un ingrat, un envieux, un imbécile."

Observation de la nature, randonnées et escalade, elle explore son territoire, tente de faire corps avec les éléments pensant n'avoir pour compagnie que quelques représentants de la faune sauvage. Jusqu'à une rencontre insolite avec une ermite, une très vieille femme qui semble directement sortie d'un livre de contes et légendes. La solitude est brisée. Peut-il encore y avoir un Jeu ?

"J'ai essayé. On ne peut pas jouer seul aux échecs. On ne peut pas s'oublier au point de se surprendre. Peut-on s'oublier au point de s'accueillir ?"

Au rythme de ses journées d'isolement et tandis qu'un lien muet finit par se tisser avec la vieille femme, la narratrice reconsidère son expérimentation à l'aune de sa relation avec les autres et avec elle-même. Et se pose la question de la liberté à laquelle elle aspirait. Se couper des autres rend-il plus libre ?

"Et si la retraite n'était pas du tout, au fond, une réponse sauvage mais une erreur de calcul, un calcul erroné ? Si se retrancher c'était s'enfermer avec un ingrat, un oublieux, un imbécile ? Si s'éloigner des humains c'était céder à l'affolement ? Refuser de prendre le risque de la promesse, de la menace."

Comme je le disais un peu plus haut, il y a des questionnements intelligents, qui interpellent car nous avons tous eu au moins une fois la tentation de fuir, disparaître, casser tous ces liens sociaux contraints. Mais ces courts passages viennent entrecouper de très longues pages qui racontent en détail (techniques) les marches et les ascensions de la dame et qui ne peuvent qu'ennuyer quiconque n'est pas féru d'alpinisme. Au final, ce sont ces courts passages que je retiens et je regrette que la démonstration de son propos ne se fasse pas de façon plus fluide, plus agréable, plus émotionnelle.

Bref, j'ai fait ma propre expérience et c'est raté, il m'a manqué le plaisir d'une intrigue, l'intérêt d'une histoire, l'évasion tout simplement.

"Le Grand Jeu" - Céline Minard - Rivages - 192 pages

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M
très belle écriture, un vocabulaire d'alpiniste chevronné, mais je n'ai pas cru à cette histoire, aux performances sportives et encore moins au jardin fabuleux à cette altitude, pas plausible !
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A
Ah ben, bien contente de trouver ces commentaires auxquels je souscris à 100%, je craignais d'être la demeurée qui comprend rien au vrai art, à la vraie littérature, à la nouvelle écriture différente et donc presque forcément excellente de ce fait. Ouf ! j'ai le droit de ne pas aimer, tant pis si je suis ringarde. J'assume et je ne suis pas seule. Ouf !
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N
C'est un livre qui est loin de faire l'unanimité et l'on peut en lire des critiques très diverses et contrastées... De toute façon, la liberté du lecteur est totale, peu importe ce que l'on nous intime de penser :-)
M
Je viens de terminer ce livre et suis tombée sur votre article. J'ai ressenti la même sensation : j'avais très envie de lire le livre suite à l'article dans Télérama mais je ne l'imaginais pas du tout comme ça ! J'ai aussi l'impression d'être passée à côté du livre, je l'ai trouvé vraiment complexe , à la fois trop technique (les termes d'escalade par exemple ) et trop intellectuel, ce qui donne un mélange déroutant qui m'a dérangée. Dommage !
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N
Oui, c'est dommage, n'est ce pas ? Quand l'intellectuel prend le pas sur l'émotion, ça cogite trop et ça nuit au plaisir de la lecture. Mais ce fut néanmoins une expérience intéressante. Et je me sens moins seule à présent ;-)
C
suite: m étais tombé des mains, d'ennui. Là, je suis captivée par ce roman, même si les longues descriptions d'escalade en montagne- je n'ai pas d'expérience de la montagne- me rasent. Je n'arrive pas à imaginer, visualiser les situations, je perds beaucoup sans doute de ce livre, frustration...
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N
Je suis d'accord, beaucoup de moments "rasant" avec ces longues descriptions... Ensuite, c'est une question de ressenti très personnel, je pense quant aux réflexions que l'auteure tente de faire passer. Certains y adhèrent - j'ai vu passer des critiques très positives - d'autres non. Un livre clivant, dirons-nous.
C
Avez vous ecouté " Pression" de Lachenmann ? elle cite ce morceau page 45....<br /> Faillir être flingué m'ét
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M
Nous avons éprouvé la même sensation. J'ai lu ce livre car le thème me plaisait beaucoup, comme vous. Et je ne m'attendais pas du tout à cet ouvrage, cette écriture. Certaines réflexions m'ont amenée à l'introspection, m'ont laissée dans un imaginaire, m'ont fait voyager. Mais cela était éparse et assez succint. Si vous désirez visiter mon blog, c'est sur lebeaumondelivresquedemegara. A bientôt peut-être!
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N
Je crois que nous sommes quelques-uns dans le même cas d'après les quelques chroniques que j'ai pu lire. Je m'en vais lire votre chronique de ce pas...
L
C'est marrant, l'article de Télérama m'a aussi donné envie de lire ce livre. Et pourtant j'hésite, car ma lecture de Faillir être flinguée est loin d'être un souvenir mémorable. Pourtant, le sujet m'attire, et je reste tentée, d'autant que l'alpinisme ne me dérange pas. Ceci dit, avec toutes tes réserves, je ne vais pas me ruer sur ce livre.
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N
L'article était vraiment très bon, il en a inspiré pas mal ! Si tu tentes l'expérience, nous aurons l'occasion d'en reparler...
E
Je n'avais pas du tout accroché à son précédent roman - elle a une belle plume et du style, mais je l'avais trouvé très ennuyeux...
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N
Oui, c'est dommage car c'est quand même le plaisir de tourner les pages qui compte au final... Si j'apprécie l'intelligence du propos, j'aime encore mieux quand on l'administre avec une bonne cuillère de plaisir !
J
Après avoir lu ton billet il ne me tente plus du tout...
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N
En même temps, il y en a tellement d'autres... il faut bien faire des choix. ;-)
Z
Toujours pas lu, il est sur mon étagère à lire, "faillir être flignué"
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N
Pas tentée du tout par celui-ci...