Le Grand Jeu - Céline Minard
J'ai joué et j'ai perdu. Jusqu'ici, aucun roman de Céline Minard ne m'avait tentée malgré les louanges et les prix. Mais ce thème, une femme qui décide de s'isoler et de vivre en autarcie loin du monde et de ses paillettes a suffisamment éveillé ma curiosité pour que je franchisse le pas. Non, pour être honnête, c'est l'entretien avec l'auteure relaté sur trois pages dans Télérama qui m'a définitivement convaincue.
Sauf que... Sauf que je me suis faite une idée fausse de ce livre. Je l'ai imaginé bien autrement qu'il n'est en réalité. Je ne m'attendais pas à cette approche si intellectuelle. Je ne m'attendais pas non plus à ces longs descriptifs liés à l'alpinisme... Alors en refermant le livre, je suis restée perplexe. Consciente de l'intelligence du propos, mais totalement hermétique à ce que je venais de lire. Peut-être parce que le cérébral prend le pas sur l'émotion, éloignant toute possibilité d'empathie.
C'est une sorte de misanthropie qui a mené la narratrice à se retirer du monde et à tenter une expérience, un Grand Jeu comme elle le nomme. Elle a fait construire un refuge de montagne high tech, autonome en énergie et entreprend d'y vivre seule, avec quelques provisions, du matériel de montagne et de bricolage, de quoi cultiver quelques arpents de terre et produire ce dont elle a besoin.
"J'ai investi cet environnement et ces conditions qui me permettent de n'être pas dans l'obligation de croiser tous les matins un ingrat, un envieux, un imbécile."
Observation de la nature, randonnées et escalade, elle explore son territoire, tente de faire corps avec les éléments pensant n'avoir pour compagnie que quelques représentants de la faune sauvage. Jusqu'à une rencontre insolite avec une ermite, une très vieille femme qui semble directement sortie d'un livre de contes et légendes. La solitude est brisée. Peut-il encore y avoir un Jeu ?
"J'ai essayé. On ne peut pas jouer seul aux échecs. On ne peut pas s'oublier au point de se surprendre. Peut-on s'oublier au point de s'accueillir ?"
Au rythme de ses journées d'isolement et tandis qu'un lien muet finit par se tisser avec la vieille femme, la narratrice reconsidère son expérimentation à l'aune de sa relation avec les autres et avec elle-même. Et se pose la question de la liberté à laquelle elle aspirait. Se couper des autres rend-il plus libre ?
"Et si la retraite n'était pas du tout, au fond, une réponse sauvage mais une erreur de calcul, un calcul erroné ? Si se retrancher c'était s'enfermer avec un ingrat, un oublieux, un imbécile ? Si s'éloigner des humains c'était céder à l'affolement ? Refuser de prendre le risque de la promesse, de la menace."
Comme je le disais un peu plus haut, il y a des questionnements intelligents, qui interpellent car nous avons tous eu au moins une fois la tentation de fuir, disparaître, casser tous ces liens sociaux contraints. Mais ces courts passages viennent entrecouper de très longues pages qui racontent en détail (techniques) les marches et les ascensions de la dame et qui ne peuvent qu'ennuyer quiconque n'est pas féru d'alpinisme. Au final, ce sont ces courts passages que je retiens et je regrette que la démonstration de son propos ne se fasse pas de façon plus fluide, plus agréable, plus émotionnelle.
Bref, j'ai fait ma propre expérience et c'est raté, il m'a manqué le plaisir d'une intrigue, l'intérêt d'une histoire, l'évasion tout simplement.
"Le Grand Jeu" - Céline Minard - Rivages - 192 pages