Le gang des rêves - Luca Di Fulvio
Embarquer dans Le gang des rêves c'est s'offrir une véritable aventure. Dépaysante, haletante, pleine d'images, de bruits et de fureur. Une odyssée qui revisite l'histoire récente des Etats-Unis, terre d'immigration et d'espoir d'une vie nouvelle pour des milliers d'européens débarquant à Elllis Island, souvent sans rien d'autre que leur courage et leurs deux bras. Embarquer dans Le gang des rêves c'est se trouver transporté dans l'ambiance du fameux film Il était une fois en Amérique parmi les bandes et les communautés qui dessinent les contours des quartiers de Manhattan. Ce bouquin possède une force romanesque incroyable et, malgré le poids des 700 pages sur le poignet, il est impossible de le lâcher.
Le héros s'appelle Christmas, par la grâce d'un officier de l'immigration américaine qui traduit son prénom italien - Natale - en Noël ; il n'a que quelques mois lorsqu'il débarque dans les bras de sa mère, Cetta fuyant une vie de misère dans une campagne pauvre du sud de l'Italie. Un "nom de nègre" entendra-t-il presque toute sa vie lorsqu'il déclinera son identité. Lui dont la blondeur contraste avec son regard noir. La relation entre la mère et le fils irradie tout le livre. Mère courage, violée à 14 ans, vendant son corps pour payer sa traversée puis pour vivre, tout simplement, protégée par Sal, gangster vieillissant qui planque son coeur tendre derrière une carapace de dur. Christmas grandit dans la rue. Malin, il excelle dans l'art de raconter des histoires, jusqu'à inventer son propre gang, les Diamond Dogs dont la réputation ne tarde pas à résonner dans les rues de New York. Il a 13 ans lorsqu'il trouve dans la rue une jeune fille guère plus âgée, inanimée, victime d'une terrible agression et lui sauve la vie en la transportant à l'hôpital. Les yeux verts de Ruth Isaacson ne quitteront plus jamais son esprit, et aucun obstacle, pas même la distance d'un continent entre eux ne pourra la lui faire oublier. Mais les deux adolescents ont chacun un chemin à parcourir... et ce ne sera pas de tout repos.
A la suite de Christmas, on explore le milieu des gangs des années 20 à New York mais également cette Amérique où malgré la pauvreté des uns et les barrières communautaires (ah ce désir de Christmas d'être considéré comme un américain sans être sans arrêt renvoyé à ses origines), grimper reste possible pour les petits malins, courageux, audacieux et qui croient en leurs rêves. Christmas est un personnage lumineux auquel rien ni personne ne résiste (et surtout pas le lecteur). De l'autre côté de l'Amérique, dans la Californie inondée de soleil, le personnage de Ruth, plus sombre lutte contre ses démons et son traumatisme. Entre Broadway et Hollywood, entre émissions radiophoniques et art photographique, Christmas et Ruth écrivent leur histoire, guidés chacun par la pensée de l'autre.
Inutile d'en dire plus, il suffit de quelques pages pour ferrer le lecteur et le scotcher aux aventures de la famille Luminita, avide de connaître son destin, trop désireux de les voir réussir, s'en sortir. On vibre, on tremble, on rit, on pleure... Il n'y a pas à dire, un tel roman, ça devrait être remboursé par l'Assurance maladie. Il paraît qu'une adaptation cinématographique est programmée. Rien d'étonnant tant les images surgissent au fil de la lecture.
Ce roman, on en a peu parlé, c'est terriblement injuste. Moi j'ai la chance d'avoir un Petit carré jaune qui veille sur mes nourritures de l'esprit. J'espère que vous serez nombreux à découvrir Le gang des rêves après avoir lu ce billet (message de l'éditeur : une réédition est en cours avec un grammage plus fin, qui sera donc moins lourd pour les poignets).
"Le gang des rêves" - Luca Di Fulvio - Slatkine & Cie - 718 pages (traduit de l'italien par Elsa Damien)