Elle voulait juste marcher tout droit - Sarah Barukh
Lorsqu'un écrivain décide de nous raconter le monde à hauteur d'enfant, il prend un sacré risque, celui d'oublier parfois le juste ton ou le registre d'expression adapté. J'avoue avoir souvent été déçue par ce type d'exercice alors j'ai abordé ce livre avec un peu de méfiance. Une appréhension très vite oubliée tant j'ai été happée par la petite Alice, touchante petite bonne femme fière et courageuse dans la tourmente. Une de ces héroïnes que l'on a envie de suivre jusqu'au bout du monde.
Lorsque nous faisons sa connaissance, Alice a 5 ans, nous sommes en pleine seconde guerre mondiale et elle a été placée en pension à la campagne, chez Jeanne dont l'affection rend un peu moins triste l'absence de sa mère. Quand celle-ci vient enfin la chercher, longtemps après la fin de la guerre, la petite fille est désemparée. Diane ne correspond pas à l'image de la parisienne qu'elle a imaginée jour après jour. Maigre, triste, silencieuse, elle semble constamment ailleurs et porte un mystérieux tatouage sur l'avant-bras. Alice quitte la chaleur des bras de Jeanne pour suivre sa mère à Paris où elles s'installent dans le marais avec Monsieur Marcel, le propriétaire d'un atelier de confection. Pour Alice, c'est l'apprentissage d'un nouvel environnement, la rencontre de nouveaux amis et pas mal de questions en suspens... Petit à petit elle fait son nid sans se douter que sa vie va encore traverser de nombreuses épreuves, à commencer par l'océan Atlantique. Son destin passe par New-York où l'attendent d'autres questions et, peut-être au bout, les pièces manquantes d'un puzzle qui pourrait éclairer les mystères de sa famille.
C'est un vrai page-turner que nous propose Sarah Barukh. Elle parvient à nous faire ressentir tous les états de la petite Alice confrontée à l'inconnu et à l'incompréhensible. Ses sentiments sonnent juste, et on se laisse embarquer avec plaisir à sa suite. Il faut dire que le contexte est parfaitement dessiné, filtré par les yeux encore vierges et naïfs d'une enfant. Les réalités des ravages de la guerre, l'engagement des résistants dès les années 30 et la montée des fascismes en Europe constituent une toile de fond qui porte l'histoire avec force. A la fois roman d'apprentissage et roman d'aventures, Elle voulait juste marcher tout droit nous permet de renouer avec un plaisir simple de la narration. Les images s'enchaînent et on se dit que cette histoire a décidément tous les ingrédients pour faire un bon film. Qui sait ?
En attendant, le plaisir de lecture est bien là et vous n'aurez aucune envie de quitter Alice à la fin du livre. On peut appeler cela un premier roman réussi.
"Elle voulait juste marcher tout droit" - Sarah Barukh - Albin Michel - 432 pages
Sélectionné pour l'édition 2017 des 68 premières fois, Elle voulait juste marcher tout droit va désormais voyager auprès des 50 lecteurs engagés dans l'aventure, tout au long du semestre.