Ouvre les yeux - Matteo Righetto
Il y a des livres qui semblent touchés par la grâce. Des phrases d'une simplicité percutante, des mots d'une sobriété désarmante, des pages d'une beauté si évidente que les émotions vous parcourent le corps jusqu'au cœur. C'est à la fois doux et fort, cruel et beau, passionné et calme. Une histoire simple. Un homme, une femme, la vie. Et la montagne.
A Milan, Luigi et Francesca se sont aimés passionnément, puis moins, puis plus du tout. Ils se sont séparés, comme tant d'autres couples, une Anna vit désormais avec Luigi tandis qu'un Franco a pris place auprès de Francesca. Pourtant, un beau jour, un voyage s'organise. Luigi et Francesca, poussés par une force qui les dépasse entreprennent une escapade dans les Dolomites, l'ascension d'un sommet, le mont Latemar, dans un site somptueux. L'amour de la montagne est un des éléments qui les a rapprochés naguère. Que viennent-ils chercher dans ce qui ressemble à un pèlerinage ?
Avec lenteur, douceur et précision, Matteo Righetto esquisse les contours des trois êtres qui gravissent les chemins dans un décor somptueux : Luigi, Francesca et le couple qu'ils furent. L'immensité du site saisit le lecteur qui devine qu'un tel espace, brut, entier, d'une vérité nue ne peut que servir de révélateur. "Tu penseras que tout a changé dans ta vie pendant ces longues années mais que cette montagne est restée la même. Parce que les montagnes ne changent pas. Les montagnes ne trahissent pas".
Le cheminement de Francesca et de Luigi est autant extérieur qu'intérieur, d'une impérieuse nécessité pour faire face, accepter, se retrouver, se pardonner (on comprend peu à peu le drame encore récent qui a fracassé leur vie) et la montagne agit comme une catharsis, douloureuse et apaisante. Avec des mots simples, avec pudeur, l'auteur dit la vie, ses petits moments si importants, ses drames cruels et la force des éléments qui rassemblent, soignent et parfois guérissent.
"Tu rajouteras du bois, petit à petit, parce que le feu a besoin d'amour constant : sans heurts, sans accros, sans déséquilibres, sans excès et sans faiblesses, sinon il s'éteint".
Et toi, lecteur, au fil des pages, tu es gagné par l'émotion, là dans ton ventre, et puis ta gorge se noue, mais tu respires à pleins poumons et puis ton regard s'emplit de la beauté et de la force du décor. Et tes larmes sont les bienvenues pour saluer ce texte sublime.
Ouvre les yeux est une petite pépite. Tout simplement.
"Ouvre les yeux" - Matteo Righetto - La dernière goutte - 176 pages (traduit de l'italien par Anne-Laure Gonin-Marquer)
Lire également le billet de Sabine, qui ne pouvait que succomber et celui de zazy qui éclaire encore un peu mieux la richesse de ce livre.
Et cela tombe dans le cadre de la Semaine italienne, organisée par Martine dans le cadre du challenge Il Viaggio