Helena - Jérémy Fel
Dévoré en un week-end ! 700 pages englouties avec une avidité qui ne s'est pas démentie au fil de l'intrigue, à peine le temps de piocher quelques nutriments et autres vitamines pour tenir le choc. Pas envie de le poser... et surtout pas avant de savoir qui est Helena ! Ce que réalise Jérémy Fel est phénoménal et pouvoir mesurer sa progression depuis Les loups à leur porte, son premier roman si singulier et déjà prometteur est tout simplement passionnant. Helena va captiver des tonnes de lecteurs, ça c'est certain !
Pourquoi ça marche ? Peut-être parce que l'auteur parvient à maîtriser sa construction au cordeau sans se laisser dépasser par sa passion pour les maîtres U.S. de l'horreur version cinéma ou littérature. Au contraire, il s'en imprègne pour prendre un recul plus important et inviter le lecteur à entrer dans son jeu. Dans Les loups à leur porte, déjà, il fallait être attentif à bien assembler les pièces d'un puzzle dessinant un roman choral plutôt gonflé pour une première fois. Helena se révèle à la fois plus simple et beaucoup plus complexe dans l'exploration de la psychologie des personnages. Ceci dit, sans être une suite, les clins d’œil évoquant le précédent roman créent une connivence supplémentaire avec le lecteur fidèle qui retrouvera également les principaux éléments de l'univers de Jérémy Fel, les cauchemars et les monstres issus du monde de l'enfance et qui hantent les nuits des uns et des autres.
Pas de foisonnement de personnages ici mais il est surtout question de mauvaises rencontres. Lorsque la voiture de Hayley, en route pour un stage de golf tombe malencontreusement en panne sur une route déserte du Kansas, la jeune fille ne se doute pas qu'en choisissant d'accepter l'aide de Norma Hewitt au lieu de celle d'un fermier dont la tête l'inquiétait, elle fait peut-être le mauvais choix. Pour l'instant, la voilà ravie d'accepter l'hospitalité de cette respectueuse mère de famille et de faire la connaissance de ses deux fils, Graham et Tommy ainsi que de la petite Cindy très occupée par ses concours de mini miss. Le lecteur lui a un peu d'avance sur Hayley. Il sait que dans la tête de Tommy, c'est assez compliqué et que les pulsions qui le gouvernent vont un jour lui poser de sérieux problèmes. Il sait aussi que l'emplacement de la maison de Norma a un passé assez chargé puisque c'est là que trente-huit ans plus tôt, Daryl Greer avait tué ses propres parents (cf Les loups à leur porte). Bref. Le lecteur n'est pas rassuré et la suite va lui donner raison.
Pourquoi ça marche ? Mais simplement parce que les motivations de chacun des personnages nous sont parfaitement saisissables et compréhensibles, que Jérémy Fel avance à pas de loup sans pour autant étirer son propos. Qu'il utilise la quintessence de la "culture" américaine sans jamais donner l'impression de la parodier. Peut-être aussi parce qu'il construit son histoire un peu comme une série américaine et que ses dialogues sont particulièrement bien troussés.
Mais si son roman a l'apparence d'un thriller, il n'en est pas moins une interrogation originale et captivante sur la figure maternelle et son corollaire, l'amour maternel. Le projecteur est braqué sur Norma, prête à tout pour défendre sa progéniture, le côté pile en somme alors que dans l'ombre se dessine en creux le côté face...
Lorsque vous déciderez de commencer ce livre, prévenez votre entourage : il va vous rendre asocial le temps de 700 pages haletantes.
"Helena" - Jérémy Fel - Rivages - 734 pages
Même constat pour Bricabook qui parle de bombe H !