San Perdido - David Zukerman
Dans le foisonnement de la rentrée d'hiver (un peu moins de 500 publications), derrière l'affichage des quelques stars attendues au tournant (parfois avec raison d'ailleurs), dans la masse donc, on trouve encore de vraies (bonnes) surprises. San Perdido en est la parfaite illustration. Un premier roman. Dépaysant, culotté. Qui ose dérouler une vraie histoire. Pas d'éléments autobiographiques. Pas d'introspection. De l'ailleurs. Un héros, justicier comme on n'en rencontre plus beaucoup. L'envie affichée de divertir. Et ça marche !
J'ai été ferrée dès les premières pages par la capacité de l'auteur à installer immédiatement une ambiance. Nous sommes au Panama, dans les années 50. Nous verrons affleurer peu à peu les grandes lignes de l'histoire tumultueuse de ce pays et des différentes cultures qui le constituent après le passage des espagnols, la construction du canal par les français, les communautés d'anciens esclaves rebelles, les cimarrons, aussi. C'est dans l'une de ces dernières qu'il faut chercher l'origine du gamin qui débarque un jour dans la vaste décharge à ciel ouvert où survivent quelques habitants. Des habitations de bric et de broc, une activité de récupération. La misère. Petit à petit, un lien se crée entre Félicia, une vieille femme et ce gamin surnommé La langosta à cause de ses larges mains et de la force surhumaine qui lui permet de travailler dur. Sa peau noire, ses yeux d'un bleu très clair, son mutisme et sa force... les éléments sont là pour que se construise peu à peu la légende de Yerbo Kwinton. Il suffit de croiser son regard pour être saisi. A San Perdido, les injustices sont courantes. Corruption, inégalités, exploitation sont encouragés par le Gouverneur qui concentre tous les pouvoirs et ne se préoccupe que de son propre enrichissement. Pendant ce temps, les criminels rôdent, les femmes sont à la merci des prédateurs... Mais dans l'ombre, un justicier veille, le gamin est devenu un homme.
On a ici un roman très cinématographique, très visuel, rythmé, avec des bons et des méchants et aussi des demoiselles en détresse. Mais des sacrés personnages, notamment les femmes qui ont la part belle, des caractères flamboyants ou de l'intelligence finement distillée, que ce soit la jeune et belle Hissa, la volcanique Yuma ou la très calculatrice Madame. On est entrainé à cent à l'heure et on retrouve le plaisir pris devant un épisode de Zorro, dans un univers bien plus impitoyable. Renseignement pris sur l'auteur, il fut apparemment comédien et auteur de pièces de théâtre ce qui explique sans doute beaucoup de choses. Sur le site de son éditeur, sa bio précise qu'il a écrit quatre romans sans oser les faire lire : je le remercie d'avoir tenté le coup avec celui-ci parce que je me suis régalée !
Franchement, je vous conseille d'embarquer pour San Perdido et de goûter à la légende de Yerbo Kwinton : c'est du plaisir à l'état pur.
"San Perdido" - David Zukerman - Calmann-Lévy - 450 pages
Un enthousiasme partagé simultanément avec Joëlle, sans concertation.
Sélectionné pour la session hiver des 68 premières fois, ce livre voyagera auprès des lecteurs engagés dans l'aventure.