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Le chien de Schrödinger - Martin Dumont

21 Juin 2019 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

Je venais de lire (enfin, tenter de lire) un roman qui débordait de mots au point de provoquer une belle indigestion, alors je me suis décidée à attraper ce petit livre qui attendait son tour depuis un moment. Tout fin, tout sec. De la concision ai-je pensé. De la précision. Voilà qui serait bienvenu après cette logorrhée... C'est bien ce que j'ai trouvé. De la précision, des respirations qui laissent passer l'émotion. Des mots justes, choisis, assemblés avec soin. Un bel équilibre pour dire le drame sans jamais plomber ni s'attarder. De la légèreté pour faire ressentir la douleur, la tristesse, l'amour et l'impuissance face à ce que l'on ne maîtrise pas.

Comment accepter l'inacceptable ? Comment garder l'équilibre alors qu'on avance au bord du précipice ? Le funambule, c'est Jean. Le précipice, c'est la maladie qui consume Pierre, son fils de vingt ans qu'il a élevé seul après le décès accidentel de Lucille. Pour Jean, le monde est désormais brouillé. Le passé heureux a laissé place à un présent qui menace à chaque instant de basculer vers un futur inacceptable...

"Les futurs, ils étaient là ; ils dansaient derrière la porte. Une foule d'éventualités, leur probabilité. Oui, tant qu'on n'ouvrait pas, la réalité restait libre ; elle pouvait filer dans toutes les directions. Des mondes parallèles. Je les voyais distinctement - les beaux, et puis les autres, un peu plus moches. C'est normal, il faut de l'équilibre. Non, ce qui compte, c'est l'espoir. Un mot de trop, une expression ou une porte qui s'ouvre - c'est la mort du conditionnel".

Qui n'a jamais vécu ça ? L'attente. L'envie de s'inventer une autre réalité. La peur de savoir. L'auteur s'empare de cet état particulier avec finesse et une empathie désarmante. On est Jean, on épouse son dilemme. Celui d'un père qui veut absolument agir, faire revenir un sourire sur le visage de son fils, même si pour cela il faut tordre la réalité. Un père qui sait qu'un jour, demain, il sera seul face à lui-même et au vide qui le menace.

Il y a les mots, bien sûr. Qui saisissent la fragilité des moments heureux, la beauté d'un paysage, le réconfort de l'océan, la détresse face à l'injustice. Il y a de la subtilité dans le propos, de la douceur dans le regard et de la justesse dans le ton. Il y a, c'est certain, une plume en devenir que ce premier roman donne envie de suivre.

"Le chien de Schrödinger" - Martin Dumont - Delcourt - 142 pages

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D
Je l'avais lu l'an dernier juste après le livre de Nancy Huston, Lèvres de pierre, dont tu te souviens peut-être combien il m'avait frappée, bouleversée, soufflée. Du coup, je crois que n'importe quel livre m'aurait paru pâle après cela... Je l'avais trouvé pas mal, mais certains livre patisent parfois du contexte de leur lecture...
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N
Ah c'est sûr, l'ordre de lecture, le moment... autant de biais potentiels de perception. Ceci dit, je ne suis pas certaine que ses ingrédients soient parmi ceux que tu préfères. Donc si tu l'as trouvé "pas mal", c'est peut-être déjà beaucoup :-)