Le Dit du Mistral - Olivier Mak-Bouchard
"Si le lecteur veut comprendre comment toute cette histoire a pu arriver, il ne doit pas avoir peur de remonter dans le temps. S'il se limitait au réel qui baigne chacune de ses journées, il risquerait de ne pas saisir le fin mot de ce qui va suivre, ou pire encore, de ne pas y croire du tout..."
N'est-ce pas une belle invitation à entrer ? A retrouver le plaisir de l'histoire du soir de l'enfance ? En tout cas, ces premières lignes m'ont immédiatement plu, apaisée, donné envie de me caler confortablement dans mon canapé et de laisser dérouler. Et le plaisir ne s'est ni démenti, ni estompé au fil de l'eau, nourri par le souffle du Mistral et la voix des légendes provençales. Ça fait un bien fou de sortir des romans ancrés dans l'actualité ou le nombril de l'auteur, de renouer avec le fil d'un imaginaire tissé à l'aide des croyances et récits ancestraux, qui nous rappelle la richesse d'un territoire, de son histoire et des hommes qui en sont issus. Ce roman m'a donné envie de me replonger dans les volumes de la collection "Contes et légendes..." que je dévorais au début de ma carrière de lectrice. Et puis aussi de l'offrir, beaucoup. Pour le plaisir de la lecture et pour la beauté de l'objet, sa couverture superbe...
Je vous rassure, nous ne sommes pas ici dans le surnaturel ou l'ésotérisme. Nous sommes bien sur un territoire fait de collines, de ruisseaux, de vergers, de mas, de fermes et de troupeaux. Au cœur de la Provence, dans le Luberon. Un beau jour, le narrateur est alerté par son voisin, Monsieur Sécaillat : un muret de pierre s'est effondré après l'orage dans son verger et a mis au jour des fragments de poteries. Voilà les deux hommes engagés dans des fouilles tout à fait interdites qui vont les amener à découvrir une figure féminine sculptée dans la roche qui leur réservera bien des surprises. Le début d'une amitié et d'une aventure bien singulière. Le lecteur, lui, est plongé à la suite des recherches du héros qui n'a de cesse de pousser plus loin ses découvertes, délaissant un travail qui ne l'emballe pas plus que ça. Il faut dire que le monde qui s'ouvre à lui, fait des légendes qui ont façonné le territoire est nettement plus enthousiasmant. Au cœur de ce parcours, la nature, les éléments qui peuvent se déchaîner, l'eau, le vent, le feu et les différentes façons pour l'homme de s'y insérer et de les subir.
A mi-chemin, l'auteur propose : "A ce stade de l'histoire, le lecteur peut décider de s'arrêter : il aura alors lu un joli conte de Noël provençal, ce qui n'est déjà pas donné à tout le monde. Mais s'il choisit de continuer sa lecture, il faut le mettre en garde. Il doit se rappeler que les légendes, si elles sont racontées pour faire rêver, introduire une part de mystère dans un monde terne, sont aussi racontées pour expliquer l'incompréhensible, démêler l'indémêlable. Il devra garder à l'esprit que toutes les légendes, sans exception, ont un fond de vérité...". Mais impensable de s'arrêter en si bon chemin. D'abord, Le Hussard, le chat de la maison ne vous le pardonnerait pas. Ensuite, comment envisager de quitter ce texte légèrement chantant, rythmé par un usage particulièrement bien dosé du provençal et les citations des auteurs qui en sont issus ? Au contraire, plus on avance, plus on a l'impression d'entendre le vent murmurer à nos oreilles, l'histoire du Mont Ventoux, de la Combe de Lourmarin ou des crues du Carvallon. De toute façon, lorsque vous aurez lu les premières pages qui racontent la création du Luberon, vous serez ferré.
J'ai simplement envie de dire un énorme merci à Olivier Mak-Bouchard pour ce moment hors du temps et à son éditeur pour avoir donné à ce texte un si bel écrin. En tant que lecteur, on se sent important, et infiniment gâté.
"Le Dit du Mistral" - Olivier Mak-Bouchard - Le Tripode - 360 pages
Par le plus grand des hasards, Delphine et moi avons lu et aimé ce texte presque simultanément, n'hésitez pas à découvrir son billet. Et puis il y a ce très beau retour de lecture de Fanny sur le blog Aires Libres.