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Climax - Thomas B. Reverdy

5 Septembre 2021 , Rédigé par Nicole Grundlinger Publié dans #Romans

"Il en faut peu parfois, il suffit d'un accident, d'un grain de sable dans l'équilibre fragile des jours, pour que tout s'écroule sans prévenir. Il suffit d'un rien. Le temps coule depuis si longtemps. Les secondes s'ajoutent aux secondes. On n'y pense pas. Et puis soudain, c'est comme s'il y en avait une de trop."

Sur le papier, ce roman avait de gros atouts pour me plaire. Le climat, la fin du monde, les légendes que les humains s'inventent depuis la nuit des temps pour tenter de se comprendre eux-mêmes ou de se perdre. Et puis les recommandations, les avis élogieux et le fait que j'avais déjà lu et plutôt aimé deux des précédents romans de l'auteur. Voici pourquoi Climax a atterri sous mes yeux et sera pourtant l'un de mes plus gros flops de cette rentrée.

Je n'ai rien contre le fouillis en littérature, à partir du moment où il finit par s'ordonner de façon cohérente et surtout où il procure au lecteur le plaisir du fouineur ou de l'assembleur. J'ai beaucoup plus de mal lorsque je sens pointer la démonstration avec ses gros sabots, ou la leçon avec son déballage de noms savants. Et pour peu que l'on tente de m'embarquer dans une analogie artificielle, là, je déclare forfait. Enfin non, je suis allée au bout, parce que encore une fois, toutes ces recommandations, ces avis qui le désignent comme LE livre de la rentrée, cela m'ennuyait de passer à côté d'un chef d’œuvre. Je me suis donc fait violence pour dépasser les 130 premières pages qui m'ont fait tantôt bailler d'ennui, tantôt sursauter et relire à plusieurs reprises des passages aux phrases tellement inutilement et inesthétiquement longues que mon cerveau avait du mal à capter la réalité de leur description. J'ai suivi péniblement Noah, Anders, Knut et Ana dans ces paysages crépusculaires de l'extrême nord de la Norvège, je me suis paumée dans ces histoires de jeux de rôles, ne sachant pas s'il fallait prendre à la lettre les instructions de fin de chapitres ou continuer bêtement à lire dans l'ordre. J'ai subi tous les cours de sciences de la nature, les loups, les poissons, la chaîne alimentaire. J'ai bien compris parce que c'est suffisamment répété, que le plus dangereux dans l'escalade, c'est la descente et je n'ai jamais autant rencontré le mot quinconce qu'au fil des 300 pages de cette histoire. J'attendais juste le moment où tout allait péter, puisque, on s'en doute, toutes ces conneries humaines qui accélèrent le réchauffement climatique, on allait bien les payer un jour.

Qu'on ne s'y trompe pas, je ne remets pas en cause le propos, oh que non. C'est son traitement qui me semble totalement à côté de la plaque, et surtout la qualité littéraire de l'ensemble, plutôt absente. A part quelques rares passages, une ou deux descriptions du paysage de glace, la scène de retrouvailles entre Ana et Noah, on alterne le cours magistral ("il faut bien comprendre ce qu'est un écosystème"), les séquences de jeu et les parcours solitaires des protagonistes, Noah l'ingénieur dans l'impossibilité d'alerter, Anders l'observateur spécialiste des glaciers, Knut qui a choisi de vivre dans la nature avec ses chiens plutôt que la compagnie des hommes (de la sympathie pour Knut, beaucoup même si on ne comprend pas trop ce qu'il fait là), Ana qui rumine ses regrets. Moralité : arrêtons de jouer notre avenir sur des coups de dés, le prochain grain de sable peut être celui de trop, la fin du monde n'est pas seulement une fiction même si la fiction peut nous aider à l'envisager. En fait, tout était dans l'extrait que j'ai cité au début de ce billet. Mais si on ne l'a pas compris, l'auteur en rajoute une couche avec une petite note de fin. On est quand même très loin du talent d'un Richard Powers qui parvient à façonner une matière d'une impressionnante densité pour la sublimer en un brillant objet littéraire. Et grâce auquel on possède une sacrée avance sur Reverdy en matière de prise de conscience (et de savoir-faire littéraire).

Climax est-il un mauvais livre ? Si l'on en croit l'auteur qui s'exprime à travers Noah page 111, "il n'y a pas de bons livres, il y a de bons lecteurs". Peut-être ne suis-je pas une bonne lectrice ?

"Climax" - Thomas B. Reverdy - Flammarion - 336 pages

NB : un exemple de phrase inutilement et inesthétiquement longue ? Allez : "Les nuits sans lune, le ciel noir recouvert d'étoiles semblait scintiller, vibrant comme la fourrure d'un animal ou les ailes d'un corbeau, quand le noir brillant le dispute à toutes les nuances de gris, au-dessus du glacier laiteux luisant de son propre éclat légèrement bleuté, comme une eau éclairée de sous la surface, pâle et d'un bleu qui ne dit pas son nom, comme les yeux des grands-mères."

J'ai trouvé chez Aire(s) Libre(s) un avis qui rejoint tout à fait le mien tandis que Delphine trouve le roman "puissant et formidablement maîtrisé"

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