Feu - Maria Pourchet
Maria Pourchet, c'est celle qui a écrit "Le tweet est à la pensée ce que le pet est au système gastrique". C'était dans Les impatients, roman que j'ai a-do-ré pour sa férocité, son ironie mordante, son côté cash. A l'époque j'avais écrit : "Maria Pourchet manie la kalachnikov avec style et élégance"... Alors, imaginez comme j'avais hâte de retrouver son regard acéré et tout le reste. J'ai acheté Feu le jour de sa sortie, alors que les louanges commençaient déjà à fleurir. J'ai attendu quelques semaines, je savourais l'idée. Pendant ce temps, les avis enamourés continuaient de pleuvoir ainsi que les sélections dans les listes des prix d'automne. J'aurais bien voulu qu'il en soit de même à l'époque pour Les impatients...
Parce que moi, j'ai été déçue. J'ai lu un peu partout que Feu était une sorte de variation féroce sur les affres de la passion, que certes l'histoire n'avait rien d'exceptionnel mais que l'écriture et l'énergie qui se dégage de la plume de Maria Pourchet sont irrésistibles. Ce n'est pas faux. L'histoire est des plus banales, et Maria Pourchet manie toujours le clavier comme une mitraillette. Il y a des expressions délicieusement sucrées-salées, d'autres d'une acidité épicée à faire exploser le palais. Mais... Tout ceci est d'une tristesse et d'une violence sans nom, peut-être le reflet de l'époque (on retrouve à travers le personnage de Clément, 50 ans, cadre à la communication d'une banque du CAC 40, ce que l'auteure avait déjà laissé transparaitre de sa vision sur le monde de l'entreprise et je ne peux l'en blâmer) mais qui laisse peu de place à l'espoir. Je n'ai pas senti l'once d'une goutte de passion entre Laure et Clément, juste une énorme méprise, des transferts totalement égocentrés de l'un vers l'autre. Un gros mensonge, chacun à lui-même bien plus qu'à l'autre. Et une grosse envie de leur coller des baffes.
Alors oui, il y a des phrases qui claquent. Des expressions qui provoquent quelques sourires en coin. Des trouvailles grinçantes voire glaçantes (le dialogue de Laure avec les femmes disparues de sa lignée, celui de Clément avec son chien), le savoureux personnage de Vera la fille adolescente de Laure certainement la plus prête à affronter le monde tel qu'il semble se profiler. Mais il y a aussi de l'ennui. J'ai trouvé l'ensemble bancal de désespérance, et qui finit par se casser la figure dans une fin tirée par les cheveux (on peut dire ratée ?) qui laisse un goût d'amère perplexité face à tant de vacuité.
J'ai lu un article au sujet de ce livre qui expliquait que l'on pouvait prendre le titre "Feu" dans le sens du brasier ou alors dans celui qui désigne les disparus : feu l'amour, feu l'espoir, feu le désir, feues les illusions... cette dernière option étant celle qui se rapproche le plus de ce que j'ai ressenti. Pour moi, cette fois, Maria Pourchet y est allée un peu trop fort avec la kalachnikov, au point que la littérature peine à émerger du carnage. Dommage, mais je préfère garder le souvenir de l'explosive et impatiente Reine.
"Feu" - Maria Pourchet - Fayard - 360 pages